Daddy today was a rolling stone

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

Daddy today was a rolling stone

Que de signes today

de mon papa Jeannot, perpeaps, j'ose espérer ?

Nous rentrons des lacs italiens, Didier et moi. Lieux romantiques vus en couple, des couples partout, il faut s'aimer pour voir ça. Lieux un peu clichés (on en a fait des dizaines) sans doute, les déserts, les pays rudes sont beaux aussi mais enfin comment rester insensibles à ces lieux d'eau et de montagne, végétation, couleurs, exubérance italienne, et face à la grandeur l'ombre d'un Caspar D. Friedrich...

L'Italie, aimée, pas assez visitée. Suis passée en Ombrie, à Pérouse, Perrugia, avec mon fils Louis (prénom du grand-père, puis du fils). Séduite par les voutes de brique, ces chemins dans la terre, dans le ventre de celle-ci. Puis visité Assise, les fleurs de la terre et la vision du ciel de saint François (2e prénom du petit frère).

J'onomastique à tout va, je vois des surgissements de coïncidences, de signes ??? partout.

Après la cantine je me suis octroyée une pause au soleil, pour marcher et me sentir encore en liberté, échapper à l'enfermement (dans ce mot il y a "enfer") du bureau. Parenthèse dans le temps monotone, prise à 35 degrés à l'ombre dans un parc du XIIIe, allongée à lire "Les femmes" (celles de Franck Lloyd Wright, par ce très bon T.C. Boyle). Le gros ouvrage a servi de pupitre pour écrire deux cartes postales du lac de Garde, impossibles à poster d'Italie faute de timbres à l'aéroport de Bergame (la préposée à l'informazione incapable de dire s'il y a une boite à lettres dans l'aéroport, eh bien non...) L'une pour ma mère, aux 85 ans devenus fragiles, penser à l'appeler vite pour savoir si la fraicheur des murs de Libourne résiste à la canicule, l'autre pour David, petit frère qui me reste, et qui agit généreusement avec mes enfants, en gentil garçon qu'il a toujours été. Maintenant président d'université. Papa doit être content, de là haut.

Mais c'est à moi (la fille douée qui n'a pas réussi) que je crois qu'il fait un signe, quand à l'instant de m'engouffrer dans la fraicheur climatisée de mon lieu de travail, je croise un monsieur qui lui ressemble tant, quand il avait son âge d'avant la maladie, encore le visage plein, cheveux rabattus pour masquer la calvitie, mais non chez lui ce n'était pas ridicule, car il avait les yeux bleus et doux.

C'est comme si j'avais croisé Papa dans la rue. La force de la suggestion est si vive que je manque d'être dévastée, je dois ravaler mes larmes, il faut faire bonne figure en franchissant le porche. J'ai appelé cette "rencontre", je me disais juste à ce moment là que bon sang de bordel de merde j'aimerais bien aujourd'hui parler à un homme gentil, pas moqueur, pas sec, ça doit bien exister. Je ne parle pas de mon mari qui jure (dieu-merci-soit-loué) qu'il m'aime m'adore que je suis sa princesse sa chérie bibi (paroles dont le lait de miel est à boire, d'ici à ce qu'il se re-tarisse, voyez comme je suis optimiste). Car m'envahit depuis ce matin un sentiment de fragilité, destabilisée par les paroles pas hostiles mais pas sympas non plus de deux collègues masculins avec qui je devrais mieux m'entendre, mais pour lesquelles aujourd'hui j'étais transparente, pas la peine pour eux de se mettre en frais : n'ai reçu de leur part à mes propos que des réponses du bout des lêvres, et fait face à une attitude quasi impolie, ces deux là parlent avec les autres comme si je n'étais pas là, c'est pas la joie par les livres... Mais qu'est ce que j'attends, de la camaraderie, je voudrais me faire des copains ? Je ne sais pas plaire, en amitié.

Avant, j'avais mangé seule à la cantine, avalé un morceau de rôti de veau vite fait et emporté une nectarine dure comme du bois pour la manger au parc. Ne suis pas sortie depuis longtemps, le quartier me manque. Découvre que le café où j'aime prendre le soleil l'après-midi est guetté par l'ombre immense des immeubles qui s'édifient à toute vitesse de l'autre côté de la rue ; qu'on ne peut plus traverser les voies ferrées par la passerelle habituelle, qu'il faut faire tout le tour.

Prend en photo, subjuguée par la force de l'oeuvre, la belle fresque murale "Les trois âges" rue du Chevaleret. L'idée de la transmission familiale. Mon papa qui me manque cruellement, dont j'ai cru voir, dont j'ai retrouvé le sourire bienveillant, sur les traits d'un passant, au retour vers la bibliothèque. Me garder ça comme une pépite, un trésor, un encouragement. Oui il y a des garçons et des hommes gentils, qui ne vous parlent pas comme si vous n'existiez pas vraiment (pas mon mari, donc), c'est mon papa qui s'y colle, mais il n'est plus de ce monde, c'est ballot.

Déjà ce matin, quand pris le petit carnet dans lequel je note mes tenues et faits et gestes, à la page exacte du 24/8 m'attendait ce mot manuscrit trouvé à Libourne, des notes d'anglais, toujours un choc de voir par delà le temps la fraicheur et l'immédiateté de l'écriture, de la main de Papa... M'étais dit à ce moment là qu'il me faisait un coucou, quand l'agenda s'est ouvert à la page du j our et qu'il y avait son écriture comme à moi adressée, il m'en faut peu.

Quand même, les choses se précisent au fil de l'après-midi.

J'écoute FIP au casque, pour alléger le silence du bureau.

Les coincidences n'arrêteront plus.

Je feuillette des livre sur Royan ("Objectif Royan 60'" - l'expo du Palais des Congrès avec le jeune Johnny idole des jeunes, de passage au casino détruit hélas dans les années 80 ; "Guide architectural Royan 1900" de Frédéric Chasseboeuf si délicieusement brun, ce docteur en histoire de l'art qui propose de si réjouissantes et érudites visites de la ville. A l'instant même où je regarde ces livres, passe à la radio le jeune crooner Gaspard Royant (pas un pseudo semble-t-il, le chanteur rockabilly à la voix de velours Roy Orbison est né en 1985 à Thonon les Bains - aussi une ville d'eau). Quand je lis et entends de sources différentes le même nom, le même mot, je sais que je suis at the right place, au bon endroit. Que les dieux sont avec moi, que je ne me trompe pas.

Papa aussi un homme des années 60, qui a vu Johnny Hallyday et Sylvie Vartan lors de vacances à la mer. Il pourrait figurer sur les clichés d'Henri Marcou.

Est-ce la main de Papa qui figure sur tous ces petits ouvrages que je feuillette, "Signature du ciel", "Les cordes du ciel" - les contes de Valérie Bonenfant (je suis ta bonne enfant ?), et celui de la professeur Séverine Ducrot, "Mets ta main dans la mienne" (la couverture reprend l'image de Michel Ange, les mains qui se touchent). Ai bien eu l'impression d'un contact, du ciel peut être ? Je n'y crois pas, mais les murs parfois sont poreux.

Veut-on me dire quelque chose ? Tous les prénoms, les noms des auteurs, évoquent des gens de la famille paternelle : Valérie, Claude... Jusqu'à "Lucien", son deuxième prénom lumineux, un recueil de poèmes des lauréats du "Prix Lucien Laborde", intitulé "Dans la cour" ! ("Adieu, monsieur le Professeur", chante toujours pour moi Hugues Aufray, je suis orpheline d'un agrégé qui se désagrégeit, ses propres mots face au cancer, il y a plus de quarante ans.

Idée d'un ange gardien peut être qui veille sur moi.

Je reviens d'Italie, et suis autrefois passée en Ombrie. Je feuillette aussi le petit carnet de photos "Submerged landscaped", de Martino Nicoletti. A pinhole phototographic tale. Dommage, les photos ne sont pas à la hauteur du propos. L'auteur est professeur, ethnologue, et s'en va pêcher les mythes, autour du lac Trasimenus, en Ombrie. Moi aussi étais sur les lacs, m'y suis plongée, sensible au delà du glamour et de la force naturelle de leurs rives et de leurs eaux à une autre dimension, surhumaine. Trop de beauté nous dépasse. Ces lacs immémoriaux restés presque intacts dans certains endroits nous transcendent.

Nicoletti (mon Nico !!) écrit : "An ancient pagna folktale narrates that, long ago, a fascinating young nymph, Agillia, lived in the waters of the Trasimenus, the vast blue lake of Italy's Umbria region"... "Water is not only water, it is a fluid kingdom , to which one may or may not belong. Earth is not only an element : it is a pulsating territory, to which one may or not belong... "

Au même moment les informations de FIP annoncent 73 morts, sans doute plus encore, dans les décombres de trois villages d'Ombrie. L'Italie, meurtrie, dans son centre. Tristesse, le malheur de ces gens si gais et chaleureux, au soleil.

Frappée par ces coincidences (sisensont), je me jette un petit défi, toute vibrionnante de prescience, comme pour les faisans qui m'envahissaient à une époque...

S'impose à moi l'idée que la prochaine musique de FIP pourrait bien être celle des Rolling Stones. Je viens d'écrire un petit pamphlet sur ce blog contre la pubeuse S. Ohayon, qui n'écrit pas si mal. Déjà, plus tôt ce matin je suis sûre d'avoir vu écrit (sur le programme de FIP ? la flemme de rechercher) la phrase "Daddy was not a rolling stone". Ca me revient dans la gueule.

Ce sont aussi des pierres qui roulent qui se sont écroulées sur les pauvres Ombriens victime du tremblement de terre de ce jour, ensevelis sous des tonnes de rolling stones, bien plus méchantes que le roman à la mode presque éponyme contre lequel j'ai grincé.

Et voilà que déboulent dans le casque les premières mesures de "Gimme shelter" (trouver un abri ! vite !) des Rolling Stones. Je suis un peu astonished je dois dire. Qu'est ce que ça veut dire, il faut que je sorte jouer au loto, il faut que je me mette à croire au dieu des petits riens ? Sur l'immensité des fonds musicaux de FIP, il faut que ce soit les Stones auxquels je pensais très fort, je les avais sur le bout de la langue, de l'oreille, qui aient été diffusés à cet instant précis ? Sans, bien sûr, que je n'ai regardé le programme musical de la station depuis longtemps, je n'ai pas vu leur nom dans la liste à venir, je le jure.

A 16:54 j'écoutais sur FIP, la chanson "It aint't easy" par Claudia Lennear, album "Phew" ( = pff, ouf, beurk !), 1973 (toujours les années Papa, décédé quel mot horrible depuis un an déjà, je ne savais pas encore que ça allait durer l'éternité).

"Gimme shelter" (1969, album "Let it bleed"), passera aussitôt après à 17:00

Puis, trop à l'écoute, éveillée, je dresse l'oreille à Charlélie Couture, "Un jour es anges" : "un jour tous les anges modèles rejoindront la vie éternelle ; si tu me cherches ce jour là vers l'au-delà lève les yeux, regarde là haut vers les cieux, je serais peut être parmi eux ; un jour les anges en auront marre ... sans crier gare sans faire de bruit ; ils disparaitront dans la brume"...

"Mais quand les anges disparaitront il faudra faire sans leur protection...", suivi de : "la machine quand on reste trop silencieux on ne sait même plus dire adieu"...

Non papa ça c'est fait, tu as déjà disparue et comme une pauvre fille je n'ai jamais su faire mon deuil, mais si tu joues, ou si je joue à reconnaitre des signes de toi c'est peut être que tu n'es pas tout à fait parti. Et quant aux anges, penser que la protection et la générosité infinie de Maman Lily ton épouse, ma mère octogénaire et malade, ne sera pas éternelle non plus. Le fil à coudre les liens de famille de Charlélie Couture, ce nom...

La voix douce de la speakerine dit "FIP écoute toujours les anges"... Ce jour, j'ai perçu le mien.

Retour à Nicoletti : "'Penetrating elements or merging with them is a rare ability. Love can help. In some circumstances, premature death can also help. Sometimes."

"Penetrating, merging ; even crossing. Bring lightning into your breast. Be blind. Keep a flame in the exact centre of your hert and follow it. A blissful blazing blindness".

Puis l'après-midi passe, j'arrose les plantes, je regarde la Seine, je ne creuse pas sous les eaux sombres, rien n'est clair, que le ciel.

Ecrit le lendemain 25/08/2016...

Daddy today was a rolling stone

J'écrivais donc : "A 16:54 j'écoute FIP, la chanson "It aint't easy" par Claudia Lennear, album "Phew" ( = pff, ouf, beurk !), 1973 ; "Gimme shelter" (1969, album "Let it bleed", passera aussitôt après à 17:00"

La journée est bouclée de chez bouclée : j'ai regardé l'excellent et justement primé documentaire"Twenty feet from stardom" (A 20 pieds de la gloire, USA, 2013), diffusé sur Arte. "Morgan Neville rend un hommage amoureux et solaire aux grandes choristes de la pop, artistes éclipsées par les stars qu'elles ont accompagnées, et enfin placées dans la lumière qu'elles méritent. Puissant et remuant comme un gospel."

Adoré ce doc sur les backup vocalists, les "colored girls" des choeurs qui font "tou-dou-dou" par exemple sur Walk on the wild side de Lou Reed. Interviews drôles, touchants, carrières avortées mais voix toujours puissantes et présentes, toutes les femmes (et qq hommes) sont belles dans ce doc. On entend Jagger, Springsteen, Stevie Wonder et Sting rendre hommage à leurs vocalistes qui toutes mériteraient les projecteurs sur elle, mais "il n'y avait de la place que pour une seule Aretha". A l'heure du rap dans les 90' et aujourd'hui avec les sampling ce n'est pas beaucoup mieux. L'art de faire fondre sa voix dans les harmonies collectives, ne pas la jouer individuel, même si toutes en rêves. Les nuées d'étourneaux filmés tourbillonnant dans le ciel par M. Neville, dont les variations et virevoltes, ondes et énergies faites de la force de chacun, mais tous ensemble, sont une métaphore très juste dans le documentaire, très bien tourné. Petit bijou. Des stars, de grandes artistes, les Lisa Fisher (vue avec les Stones sur scène) ; Darlene Love ; Judith Hill... Et...

Claudia Lennear !!! dont je n'avais jamais entendu parler avant hier, quand je l'écoutai sur FIP et m'émerveillai d'avoir découvert juste après sa chanson que ce serait les Stones qui suivraient... Chanson de son album solo "Phew" qui fit un flop, aucune de ces filles sachant si bien chanter, si douées et charismatiques sur scène n'a réussi de carrière soliste. C. Lennear avait même disparu pendant 40 ans, retrouvée par le réalisateur du doc, désormais professeur d'espagnol...

Pas bien dur en fait ma voyance. Les programmateurs de FIP aiment les fils conducteurs, me disent mon mari. Savaient sans doute que le doc repassait ce soir. Savaient en tout cas qu'avec Merry Clayton (présente dans le doc), c'est Claudia Lennear qui est la voix de "Brown Sugar". Cette belle Noire a dansé avec Ike et Tina Turner, "Ikette", puis chanté derrière Bowie et les Stones, et fut même la compagne ("we were dating") de Jagger, "so good mannered".

Je pensais d'ailleurs que la chanson était "Brown sugar", sans doute rapprochement inconscient avec la voix de Cl. Lennear. C'était donc "Gimme shelter" qui passait hier, avec la voix de la diva très autosatisfaite (la moins sympa du film) Merry Clayton, sacré organe aussi. Elle chanta au débotté avec Jagger le duo du refrain de "Gimme shelter".

Je suis partagée. D'un côté, tout ça me montre que non ce n'est pas de la devination synchronisation si j'ai deviné les Stones à la suite de Claudia Lennear sur FIP, pour qui a un peu d'oreille ça devait même être "obvious".

Pourtant, c'est plus que bizarre d'avoir regardé cette émission et entendu parler de (et chanter) la même personne. Tout en écoutant la musique que j'aime. Oui c'est surprenant, ça ne m'arrive pas tous les jours. Strange strange. Rester en éveil, il faut...

Puis pas fini, cet après-midi, toujours autour des livres et de la musique qui passe sur FIP...

Une autre chanteuse, Rosemary Stansfield. Regardai hier de façon appuyée, ça ne m'arrive plus, mon affiche Nuits Ouf du 104, un concert de Moriarty vu en 2014, adoré découvrir leur son et la voix à tomber de la chanteuse franco (Bretonne)-américaine.

Evidemment, je l'entends sur FIP. De là je passe à la rediffusion podcastée sur France Inter d'un "Boomerang" du vénéré Augustin Traquenard où il interviewait le groupe Moriarty.

Qui reviennent sur leurs influences mélangées, et Rosemary se met à parler de "clans". Juste au moment où je m'échine à comprendre la maison d'édition (auto-éd.) "The New Gray Clan". Réflexions sur les clans, les familles.

Bon, je lève le sourcil. Clan-clan.

La chanteuse et le journaliste relèvent leurs influences gothiques. Les voilà partis à parler de cimetières. Une chanson qui parle d'une fille qui croise le fantôme de son père. Elle dit la phrase "c'est un médiateur, un passeur".

Le livre d'après, l'illustrateur s'appelle ALIS. Oui, vraiment, des histoires de clans.

Allez, je ferme. Quelques frissons (d'extase ? de trouille de je ne sais quoi ?) le long du dos, quand même, à moins que ça ne soit juste la sueur de la canicule.

Et en Ombrie, en Italie, le pays des vacances, les morts sont toujours plus nombreux, les pierres ont roulé, la terre a tremblé...

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