Survivre au mauvais Murakami, grâce à Berlinde

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

Survivre au mauvais Murakami, grâce à Berlinde
Survivre au mauvais Murakami, grâce à Berlinde

J'adore les livres de survie, j'attendais donc mieux de cet ouvrage qui commence en mettant en scène un jeune fugueur de 15 ans qui quitte Tokyo et sa famille (ou ce qu'il en reste) pour se débrouiller seul avec les moyens du bord de son sac à dos bien garni. Jusque là tout va bien, puis les chats parlent et les poissons tombent du ciel, et ce n'est pas le pire. Ca commence bien Kafka sur le rivage, mais c'est un peu pour les enfants non ? Joli, poétique, mais que les termes ou allusions crues ne troment pas : c'est bien de la littérature pour la jeunesse, de la fantasy science fiction un peu épicée. Bien déçue (et encore quand j'écrivais ces lignes je n'avais pas encore perdu de longues heures à lire ce pavé invraisemblable, et pervers et sadique oui, plus que "joli" comme je l'écrivais...

Tout est attendu, devinable (non non pas tant que ça, Murakami va très loin dans l'idiotie et l'absurdité). Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que le monsieur qui parle aux chats, devenu "idiot" suite à son évanouissement il y a 60 ans est l'enfant qui ne s'était pas réveillé, suite à sa rencontre dans la clairière en 1946 avec des extra-terrestres (non non ce n'est pas ça, rien ne sera élucidé dans cette fable abracadabrante et vaine).

Enfin, j'anticipe, au sujet de ce roman gnan-gnan (déjà 19Q4...) pas d'anticipation mais de ratiocination au sujet de la prédestination des êtres, du karma à retrouver dans sa plénitude, Aristote, le reflet perdu, le Doppelgänger, ma moitié d'orange, toutes ces conneries. On vit et on meurt seul, oui. On dirait les affabulations même pas sous acide de Boris Vian, cette Ecume des jours infligée à mes quinze ans, quel temps perdu à lire ces inepties. Je vais continuer un peu, dans mon grenier ou sur la plage. Mais bien moins capable comme bouquin de vous apporter l'épaule et l'appui secourable qu'offre un bon polar plein d'action. Rien de mieux sur la plage abandonnée que de s'accrocher à des personnages bien réels, même si de fiction, et au fil de l'enquête qui se déroule.  Les considérations  de l'auteur, toutes plus pseudo-intello les unes que les autres (car langage simple, trop simple,  pas parce qu'il parle tout le temps de haiku que c'en est, ou alors un pavé, de bonnes intentions) sur le passage du temps, les générations, le patrimoine du Japon, et autres éléments qui ont certes leur charme mais peu d'assiette, ou d'assise nourricière pour ne pas se affronter le sentiment de solitude qui peut nous étreindre légitimement à tout moment, quand on est tout seul sur la plage au milieu des copains et des familles et des amoureux. Difficile, ça, les amoureux (à supporter).


Bien moins pervers en tout cas et douloureux (plus que pervers, je retire ce mot qui n'a rien à faire là) que le catalogue d'exposition des travaux de Berlhinde de Bruyière (orth. approximative, j'écris comme un berlingot de guinguois). Berlinde de Bruyckere, je reprends, l'artiste belge née à Gand en 1964 deux ans après moi. C'était en février dernier à la Maison rouge, n'ai rien vu mais ai déjà repéré l'artiste (et surtout son beau nom) lors d'expositions dans ce rouge lieu et ailleurs. La fondation d'Antoine de Galbert est située boulevard de la Bastille, dans des locaux industriels réhabilités, non loin du Marais autrefois laborieux. C'était des locaux dédiés à l'édition, ou l'imprimerie, une fabrique de pierres lithographiques. On est pas très loin aujourd'hui, où la belle gravure s'expose souvent en ces lieux.
 Incluse dans un immeuble d'habitation sur les bords du port de l'Arsenal - les habitants des étages supérieurs doivent voir briller les mâts des bâteaux, il y a bien une petite maison de briques, peinte en rouge. Quand on passe le seuil, il y a des verrières, des sas, on est dedans dehors, on ne sait pas très bien. Le seul espace vraiment à l'air libre, du moins l'été, est le patio du restaurant-bar. N'y ai jamais pris de verre, les prix un peu chers ne vont pas (ou vont parfaitement) avec la déco souvent brocantée (j'y ai retrouvé les fauteuils de jardin années 40 rouges et blancs de mon grand-père, honteusement volés et repeints de violet par le locataire). Il parait que la déco du bar change presque à chaque expo, pourquoi pas. Le lieu est inspiré en tout cas, il vient d'inspirer un nouvel opus de la délicieuse série éditoriale "l'Esprit des lieux" aux Nouvelles éditions Scala, qui éditent de jolis ouvrages à la fois sérieux et très faciles à lire, de format à l'italienne et à seulement 6,50 euros. Rien du tout pour gravir à nouveau les marches de l'Atomium à Bruxelles ou descendre les rochers érodés sculptés de l'abbé Fourez de Rothéneuf (le secret le mieux gardé de Saint-Malo).
Berlinde, puisque c'est son nom, crée des sculptures inspirées des membres humains, aux couleurs roses et bleues de la chair veinée, ou rouge et noir, c'est plus radical. Tout ça sculpté dans la cire, ce matériau périssable mal aimé des sculpteurs, servant tout juste aux ébauches. Pourtant en peinture, le matériau de prédilection du très bon peintre Philippe Cognée  qui passe ses tableaux de toile cirée au fer à repasser, penser à aller le voir à Chambord dans une autre vie, tiens à la place du festival de Chaumont ça changerait, les cheminées de Chambord). [2 euros le mètre la toile cirée à pois ou à rayures de bonne tenue, au marché Saint-Antoine de Lyon ! Juglas à Royan et ses prix faramineux même en solde peut aller nous  rhabiller, fin de l'aparté économico-commercial]. Bref j'aime la toile cirée et aussi les tableaux de Cognée, v-hache-ment bien, et suis intriguée par l'art de la grande fille belge.
Berlinde écrit "je veux tout oublier tout oublier" sur de beaux papiers, elle hache elle aussi le papier. Elle va chez l'équarisseur où sont séparées les peaux du corps des chevaux abattus, elles travaille sur ce genre de parchemin là, velum, vélin plutôt, du veau mort né (ça c'était avant, comme Angoulême - j'écris dans le train évidemment direction Royan et mon grenier, ma cachette secrête, où je vais survivre trois jours durant à boire l'eau de ma bouteille, manger peu (conserves ramenés poids lourds dans le sac depuis Pairs, ai vidé les placards.
Las je dois arrêter, il est 20 h 20 le train arrive bientôt, je vois au loin dans le soleil couchant le clocher de Notre Dame de Royan, je vais dormir non loin de soir sous le petit velux dans ce périmètre de monument historique, en essayant sans trop de mal à survivre avec mes moyens de camping rudimentaire : pot de chambre garni d'un sac poubelle, penser surtout à le vider avant de partir, douches spartiates à l'eau froide de la plage et au savon sans mousse ; vaisselle de chat et brossage de dents idem dans les toilettes des bars ; nourriture de salades et de trucs à acheter au jour le jour. Tout pour passer tout un week-end de survie dans mon grenier, à me prélasser entre les changements de draps des locataires. Ceci est une autre story, à peine meilleure que celle de Murakami, ingurgitée tout au long de ces 3 jours (alors que Jonathan Safran Foer bien meilleur m'attendait), Kafka malmené sur le rivage à la sauce indigeste murakamienne (pas la mienne en tout cas).

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