Christophe n'a pas été trop embrassé, il a pris le train

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

Proverbe : Qui trop embrasse mal étreint

Proverbe : Qui trop embrasse mal étreint

Et pas "Qui trop embrasse manque le train", variation malicieuse du proverbe par mon oncle Pierre, frère de mon père.

Auto-chargé de l'éducation de mon frère Jean-Christophe pour lui faire repasser son bac au lycée Georges Leygues, à 150 km du Libourne natal de celui-ci. A Villeneuve sur Lot, une ville sans gare, où Christophe même s'il l'avait voulu à 19 ans n'aurait pu choisir l'option finale et fatale du suicide sur les rails.

C'était il y a exactement 6 ans, le 6 février 2011. Il avait 44 ans, était cagorisé schizophrene par les psychiatres, "le plus grand schizophréne qu'il ait jamais vu", ainsi parlait son psychiatre attitré à Bordeaux,  rappelle ma mère dès qu'elle y pense.

Ce gentil rébus issu d'un livret publié par le Mucem de Marseille chez Actes Sud, présentant les délicieuses cartes publicitaires humoristiques anciennes  en rébus de leurs collections.

On y voit le temps personnifié par un vieillard aux ailes d'ange et armé de la faux de la mort, Titan qui mange ses enfants. Celui qui à 44 ans en était resté un a préféré en finir d'une manière spectaculaire et dramatique, entraînant une cohorte de voyageurs impuissants et prisonniers eux aussi mais momentanément de la ferraille du train, en cortège funèbre.

Je viens de visiter le Panthéon. Personne ne t'a dit j'en ai peur "Entre ici Jean-Christophe" à l'instant où le TGV Bordeaux -Paris t'a percuté en gare de Libourne.

Tu étais bien à l'heure, tu ne l'as pas manqué ce train et il ne t'a pas manqué. Depuis c'est toi qui nous manques.

Je ne t'ai pas "trop embrassé", je ne t'ai pas étreint non plus. Personne ne l'a fait, tu étais devenu asocial. 

Je ne sais pas trop ce que veut dire cette expression, trop embrasser serait "mal etreindre" ? Etreindre, comme une bourrade virile, un truc sans mièvrerie comme ces bisous sans fin de femme surprotectrice, de mère faible gâtant outrageusement son rejeton ? Ma mère fut accusée à mots couverts de cette faiblesse censée avoir été plus que nuisible au caractère de mon petit frère.  Certes capricieux et impossible, et devenu adolescent tyrannique et violent.

Allez il n'a tué personne, pas comme ce djihadiste de 30 ans, décapiteur d'otages en Syrie, reconnu dans le "Parisien" par mon fils comme l'un de ses meilleurs copains d'école primaire. Que je sois damnée si je lui ai dit il y a 20 ans de reprendre du gâteau à ce monstre, enfant doux présent à tous les anniversaires de mon aîné. L'horreur.

Christophe tu n'étais pas un ange mais c'est juste à toi que tu as fait mal. J'aurais du te pardonner depuis longtemps tes frasques et tes éclats. Ne connaissais rien à la schizophrénie. Mais pas facile, j'ai choisi de me protéger, de t'oublier, cette lâcheté.

Quand j'ai pris conscience de ton absolue détresse et solitude, quand tu t'es mis à exprimer ton désespoir,  il était trop tard. Je ne suis pas venue t'empêcher de te jeter sur la voie ferrée. L'image du train à vapeur sur le rébus, je la trouve effrayante. Elle "m'étreint".

 

Là-haut ou dans tes rêves, que tu sois mille fois trop embrassé et pas trop mal étreint, et que tu puisses avoir manqué ce foutu train.

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