Le dur métier de pion
Allez, je me lance dans la critique littéraire, et replonge dans les livres d'enfants, même si les miens sont devenus grands, na !
Petite Polynie, chez MeMo, en 2017
Paru dans la collection Petite Polynie, une nouvelle collection ayant pour ligne éditoriale la lutte contre le stéréotype de genre, et pas au détriment de la qualité littéraire (créée par une assistante de Geneviève Brisac, partie de l'École des loisirs, excusez du peu). J'ai bien aimé ce court roman-fable plein d’humour, même si l'abstraction quasi géométrique des personnages - ni figures humaines, ni animaux ni végétaux ni martiens ni ogres ni sorciers mais PIONS -risque de dérouter les jeunes lecteurs.
Ils s’appellent tous Sasha, les pions noirs et les pions blancs qui habitent dans ce damier, tous interchangeables, juste désireux de rentrer bien rangés dans l’obscurité de leur coffret, après s’être laissés mener sur les cases qui leurs sont destinées et pas ailleurs, quand « la Main » veut bien les faire jouer. « C’est si bon l’ordre », pensent-ils à peu près tous, ces pions si raisonnables, sauf un : Sasha rêveur, qu’on appellera bientôt « Sashalluciné », moins à cause d’un petit défaut sur sa tranche que son désir de quitter la boîte pour aller voir ailleurs. Il réussira à aller bien plus loin que celui qu’on appelait Sasha-le-Héros, juste parce que celui-ci avait un jour roulé sur un tapis… Notre vrai héros pourra réaliser son rêve, grâce à une petite main d’enfant qui un jour fait rouler sans ménagement tous les pions sens dessus-dessous hors de leur boîte et leur en fait voir littéralement de toutes les couleurs - bien au-delà du noir et blanc très graphique des illustrations un peu mystérieuses. Bientôt muni de deux jambes qui lui sont poussées parce qu’il a « cru en lui », Sasha va en profiter pour s’échapper explorer le monde extérieur. Remplacé sur le damier par un simple bouchon de plastique, il part à l’aventure, laissant derrière lui ses compagnons revenir à leur vie rassurante. En choisissant d’offrir une âme et une prise de conscience individuelle à des personnages peu ordinaires, de simples pions de jeu mais objets pas si inanimés, et à travers l’épopée du plus curieux d’entre eux, l’auteur nous dit que tout est possible : ne pas se laisser enfermer dans des cases, décider de son avenir, refuser le conformisme. Ce court roman plein d’humour présente un malicieux éloge de la différence, de la liberté, et de la curiosité nécessaire pour oser affronter seul l’inconnu, et tenter sa propre expérience à la découverte du « Géant-Monde, bref d’échapper à sa condition toute tracée et vivre sa vie, tout sauf comme un pion.
résumé :