Javaka Steptoe, Jean-Michel Basquiat

Jean-Michel Basquiat, radiant child

Très bel album jeunesse publié chez le Genévrier, ce "Radiant child", en français : "Jean-Michel Basquiat, l'enfant radieux", par le designer et illustrateur new yorkais Javak Steptoe. Récompensé en 2017 par l'honorifique médaille Caldecott (décernée chaque année depuis 1938 par l'Association des bibliothécaires américaines pour la jeunesse), son album entièrement illustré par les photographies de ses peintures réalisées sur planches de récupération, est une merveille. Comme lui natif de Brooklyn, l'artiste s'est inspiré de l'oeuvre de Basquiat pour produire des peintures pleines de vie et de couleurs, retraçant la biographie et la carrière fulgurante du peintre haïtien mort à 28 ans.

En exergue, cette adresse de l'auteur aux enfants lecteurs : "J'invite mes lecteurs, quel que soit leur âge, à procéder ainsi (utiliser des éléments de la ville pour créer des illustrations, peindre sur des matériaux en bois récupérés...), en se servant des matériaux, personnes et lieux qui les entourent. Bien que cet album n'intègre pas de reproduction de l'oeuvre originale de Basquiat, chacun constatera que mes propres illustrations s'inspirent de son travail, et mes interprétations, de ses peintures et dessins".

Sous les planches trouvées sur le net, ou photographiées par moi depuis l'album directement, les légendes correspondantes. Adaptation de l'américain par Gaël Renan. Thanks for courtesy.

Somewhere in Brooklyn, entre les coeurs qui battent, les cordes à sauter et les marelles, les bouches asséchées qui aspirent goulument de la glace, un petit garçon rêve de devenir un artiste célèbre

Chez lui, ce tout jeune artiste s'attèle à la tâche. A sa table, des crayons éparpillés autour de lui, Jean-Michel dessine du matin au soir, concentré au milieu d'un océan de papiers. Il refuse d'aller dormir avant d'avoir créé un chef d'oeuvre

La nuit, des images lui viennent à l'esprit, le tirent de ses rêves pour qu'il peaufine son travail. Comme ses couleurs, bien peu conventionnelles, ses dessins ne sont ni soignés ni épurés. Ils sont grossiers, bizarres, parfois laids, et pourtant en un sens ils sont beaux.

Son insprration lui vient de sa mère, Matilde, une Portoricaine qui dessine et coud, cuisine et nettoie,et décore sa maison dans le style des magazines spécialisés. Mais surtout, elle prend le temps de s'asseoir par terre pour dessiner avec Jean-Michel sur les vieux documents de travail de son père

From her he learns that art ne se limite pas aux recueils de poésie qu'elle lui lit, ni aux théâtres ou aux musées qu'ils fréquentent. L'art est comme un jeu de rue pour petits enfants, avec leur manière d'être et leurs mots. Une manière de vivre, dans laquelle les objets ordinaires du quotidien, émergeant du patchwork chaotique de la ville, prennent un nouveau sens. Au musée ils regardent l'oeuvre d'art qu'il préfère. Découvrant l'histoire cachée derrière chaque artiste, chaque oeuvre, Jean-Michel comprend ce que signifie être un artiste célèbre. De retour à la maison, il s'installe par terre pour dessiner pendant que son père passe des disques de jazz. Sa mère prépare du riz au poulet et l'appelle "mi amor". L'énergie, la vie de la ville s'expriment dans chaque trait de ses dessins.

Plus tard, Jean-Michel découvre le pouvoir de guérison de l'art. Un accident de voiture l'a meurtri et perturbé. A l'hôpital, Matilde lui offre un livre pour apaiser ses angoisses. L'album présente des images d'os, de crânes, d'autres parties du corps. Jean-Michel s'en inspire pour dessiner, jusqu'à le connaître par coeur. A présent, il n'a plus peur. De retour à la maison, Jean-Michel se rétablit, mais son coeur est brisé. L'humeur de sa mère s'assombrit, la famille vole en éclats. Matilde ne s'allonge plus sur le sol pour dessiner avec Jean-Michel. Elle reste assise à la fenêtre, chantant pour les oiseaux. Son fils en est très affecté et terriblement mélancolique lorsqu'elle ne peut plus vivre chez eux. Il essaie de chasser son chagrin en dessinant, mais rien n'est plus pareil. Grandissant, Jean-Michel rend visite à sa mère quand il le peut; Il apporte toujours son travail pour le lui montrer, lui racontant qu'un jour il sera dans un musée, "quand je serai un artiste célèbre". Devenu adolescent, il prend sa décision : "Papa, je vais être un jour très célèbre". Le regard espiègle, l'oeil pétillant, Jean-Michel quitte Brooklyn pour le coeur de New York, dans le Lower east side, une jungle de béton où seuls survivent les plus forts.

Dans la journée, vêtu d'une combinaison verte éclaboussée de peinture, il vit avec des amis, dormant sur des canapés ou par terre, laissant derrière lui, partout où il passe, une marée de collages et de poèmes illustrés. La nuit, Jean-Michel peint à la bombe, sur les murs du centre ville, des poèmes et des dessins qui attirent l'attention d'artistes, d'amateurs d'art et de passants. Il signe ses oeuvres "Samoo", au lieu de "Jean-Michel". Tout le monde veut savoir qui est Samoo.Samoo,au fil du temps, passe des coins de rue aux murs des galeries d'art, avec des compositions et des dessins puissants et colorés, collant et peignant sur tout ce qu'il peut trouver. Son art n'est décidément ni soigné ni épuré. Encore moins conventionnel. Il est pourtant magnifique.

Avec son charme magique, Jean-Michel attire les foules. Mais lorsqu'il est l'heure de travailler, il préfère être seul, la radio et la télé poussées à fond. Désormais vêtu de riches habits éclaboussés de peinture, il parcourt des piles de magazines et de livres, peignant jusque tard dans la nuit, parfois pendant des jours tant que sons et images lui viennent à l'esprit.

Artiste parmi les artistes, Jean-Michel ne doute jamais d'un seul de ses traits, créant à partir d'une inspiration qui lui est propre. On le décrit comme un "enfant radieux, sauvage, génial". Mais, dans son coeur, il est roi et se tresse des couronnes, ainsi qu'à ceux qu'il admire.

Devenu adulte, le monde de l'art à ses pieds, Jean-Michel continue de rendre visite à sa mère quand il le peut. Et lors de ses vernissages où se côtoient critiques, fans et artistes qu'il admire, sa mère occupe la place d'honneur, comme une reine sur un trône. Il est désormais un artiste célèbre !

Extrait de la note de l'auteur en fin d'ouvrage : "Le succès de Basquiat me parut ouvrir une ère d'aventure et de diversité dans les beaux-arts, ce qui n'était pas le cas jusque là. Pour un jeune artiste afro-américain en devenir comme moi (son époque universitaire), cela signifiait que mes chances d'être entendu et d'acquérir une certaine renommée étaient considérablement accrues. Mais ce ne fut que bien plus tard, à l'occasion d'une exposition organisée par le Brooklyn museum en 2005, que je compris véritablement ce que signifiait pour moi son travail, et que je voulus transmettre aux jeunes le lien que j'avais avec cette oeuvre."