Des sorcières murmurent sur les toits et les licornes brillent à Pailletteville (Glitteropolis)

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

Des sorcières murmurent sur les toits et les licornes brillent à Pailletteville (Glitteropolis)
L’ÉCOLE DES LOISIRS
(Neuf)
Marianne Lenoir :
Le Murmure des sorcières. 2019
ISBN 978-2-211-23950-9 : 13,50 EUR


Bravo - A partir de 11 ans

Suite à un exode forcé, une escouade de 19683 repoussantes sorcières débarque sur les toits de Paris et font plus de raffut que les pigeons. Mécontents d’être envahis par cette espèce nuisible, les Parisiens se fichent bien de savoir qu’elles sont végétariennes et très savantes. Kai, petite sorcière surdouée trouve son parfait sosie en la sage Marie-Astrid, et échange sa place avec elle par curiosité du monde humain. Vite déçue, Kai au QI de 275 baille en classe tandis que sa crasseuse alter ego, obligée de voler des pommes au marché pour manger, aimerait bien rentrer chez sa mère qui ne s’est aperçue de rien. Ce délicieux roman à l’humour très second degré distille un message d’ouverture aux autres bien d’actualité.

Bon tout ça c'est mon résumé, ce roman "ébouriffant et plein de saveur", comme l'écrit judicieusement Florence Hinckel, formidable autrice (le titre officiel) de LJ (comprendre : littérature jeunesse) mérite bien plus de mots, d'ailleurs la petite Kai parle 39 langues, on n'a pas fini.

Amélia Fang et les seigneurs des licornes (unicorn lords)

Amélia Fang et les seigneurs des licornes (unicorn lords)

CASTERMAN

Laura Ellen Anderson ; trad. par Valérie Le Plouhinec :

  Amélia Fang et les seigneurs licornes. 2019

  ISBN 978-2-203-17893-9 : 10,90 EUR

(Fait suite à : «  Amélia Fang et le bal barbare » paru en 2018)

 A partir de 8 ou 9 ans

 

2e volume de la série  « Amélia Fang », le 1er tome (le Bal barbare) est paru l’an dernier et le prochain est attendu à l’automne 2019. Les personnages du roman sont une jeune vampirette (l’héroïne Amelia Fang) et ses amis, Tangine le prince pourri gâté (un ange-démon à moitié fée, à moitié vampire), un yéti et un croque-mort en herbe, soit une vraie galerie d'Halloween. Ces créatures venus du pays tout noir d’à côté (Nocturnia en anglais) se lancent dans un dangereux voyage au royaume de Lumière, direction Pailletteville (Glietteropolis en anglais, ça sonne mieux). But de leur quête ? Retrouver la fée Beausoleil disparue de l'autre côté depuis des années, la mère du prince Tangine. Qui sont les créatures qui l'ont enlevée ? Au Pays noir, on enseigne à l’école qu’il faut avoir peur du Pays de lumière, peuplé de fées et de licornes prêts à s’attaquer aux vampires. Une classique opposition du bien et du mal, d’un manichéisme bien tranché noir et blanc, obscurité et lumière.Amélia la vampirette et ses amis finissent par trouver l’entrée de Pailletteville en s’engouffrant in extremis dans le train express Arc-en-ciel, sous des déguisements pas terribles bricolés main, qui bizarrement réussissent à cacher la vraie nature des intrus aux habitants. Nos héros vont rencontrer les créatures affreuses qui peuplent le Pays de lumière, cet univers plein de couleurs lumineuses aussi écoeurantes que l'odeur de guimauve sucrée omniprésente.Effrayantes licornes, diaboliques anges-chatons... Que du monstrueux, comme on leur a toujours raconté, mais n'est-ce pas un peu plus compliqué que ça ? Et si les « seigneurs licornes » à la tête du pays exploitaient la peur de l’autre et de la différence, en semant la zizanie, l’exclusion, le mensonge et l’incompréhension, pour asseoir leur pouvoir, sous couvert de protection contre un mal qui n'existe pas ? Un roman jeunesse traitant une fois de plus des différences, sous forme d’une histoire pleine d’humour qui se lit avec beaucoup de plaisir, faisant penser à l’univers décalé et fantastique de Tim Burton, horrifique mais pas trop et mignonne à souhait. De la magie, un prince pas trop charmant, des fées, et partout des cornes de licornes, bricolées ou vraies de vraies. C’est qu’on va finir par y croire !

Suis entrée dans cette lecture à reculons, avec un apriori de bêtifiant, et y saute à pieds joints maintenant. Bien moins rapide que les enfants, j’ai mis un certain temps à assimiler les noms des personnages, assortis d’une présentation graphique pleine de termes bizarres, et comprendre qui était qui. C'est l'effet série, qui vous fait prendre le train en marche de personnages déjà présentés et développés ailleurs, mais les faits précédents sont bien rappelés et on peut évidemment commencer la série par le tome 2, qui fait qu'on n'y comprend (presque) rien au premier abord. Bon c'est pas Dostoïevski non plus et ses noms russes à rallonge, la grosse vache yeti s'appelle simplement Florence (une vengeance de l’autrice ?)  et quand elle parle, c'est en majuscules, pour qu'on comprenne bien qu'elle est énorme. Un peu la Boulotte de Fantômette, se gavera de sucreries tout au long du roman. Pas en odeur de sainteté ici, le sucre, un ange-chaton fera même un coma diabétique après avoir roté des bulles sucrées. C'est ça qui m'a fait friser l'oeil, les allusions un peu dégueus voir scatos (nombreux prouts, et un des personnages tombe au fond des toilettes d’un train…), qui sont là pour faire rire les petits Anglais et qui marchent universellement. Ainsi, les héros forcés de manger les sucreries de Pailletteville préfèreraient de loin manger leurs habituels ongles de doigts de pieds rôtis au sucre et autres délices dégoûtants. Sauf la gourmande Florence le yéti déguisée en improbable licorne, qui plaît infiniment à Flavio, fils du Seigneur licorne, coplêtement sous le charme de son allure robuste et décidée. Leur idylle sucrée peut presque faire penser à la scène finale du film « Some like it hot » avec Marylin Monroe, quand le vieux magnat sur son yacht fait les yeux doux à Jack Lemmon déguisé en femme qui essaye de se sortir de ce mauvais pas en avouant qu'il est un homme. « Personne n’est parfait », répond le magnat, héritier de la firme Schell (que j’aime).

L'autrice Laura Ellen Anderson, jeune Londonienne née en 1988, ne fait qu'une avec l'illustratrice et son œuvre est une réussite. On prend plaisir à suivre le trait noir et léger des dessins des personnages de cette série qui devrait remporter le succès, avec ses illustrations savoureuses particulièrement bienvenues pour  permettre au lecteur de bien visualiser et cerner les créatures fantastiques du roman. A la tête desquelles la mignonne Amelia, brindille enjupée aux canines de vampire bien pointues et coiffée de son jouet citrouille. Lesdites illustrations sont un vrai plus, rajoutant au côté comique des situations de ce monde loufoque, et indispensables car le roman manque de descriptions détaillées, pas le fort de l’autrice. Un bon dessin vaut mieux, etc.

Je suis bien amusée, tout ça est très bien fait. On sourit beaucoup devant toutes ces situations malicieuses et renversements de vision du monde, où tous les sujets communément admis comme adorablement mignons (et girlys et cuculs ?), anges, chatons, paillettes et autres licornes scintillantes représentent ici ce qu’il y a de pire et sont censés faire atrocement peur. Les licornes, c'est à la mode, je commence à comprendre pourquoi.  
Sous des dehors réjouissant d’univers loufoque et décalé, une fable plus subtile qu’il n’y paraît pour rappeler eh oui la persistance des tensions communautaires dans le monde, toujours confronté au défi de l’altérité. Que la cohésion finisse par l’emporter sur la division, nom d’une licorne ! Comprendre que le vivre ensemble c’est ce qu’il y a de mieux, Amelia et ses amis y arrivent bien !​​​​​​

Les licornes, c'est à la mode, je commence à comprendre pourquoi. D'ailleurs, ça fait vingt ans que je déjeûne sur d'increvables sets de table rouges représentant la tapisserie de la dame à la Licorne (sans paillettes), achetés au musée du Moyen âge, je suis à mon affaire.

 

 

Publié dans littérature jeunesse

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