Tous en Écosse ! avec Les filles du Nord de Mélody Gornet
Un roman à la psychologie aigue, qui fait la part belle aux sentiment amoureux et à l'introspection, et qui donne une furieuse envie d'aller découvrir Edimbourg toutes affaires cessantes. Madison, 18 ans, Française, a quitté Paris et sa famille pour aller cacher sa tristesse, au sortir d'une déception amoureuse, dans la brume de l'hiver écossais. A peine arrivée en ville, elle rencontre Fern, une joyeuse étudiante franco-écossaise, qui la prend sous son aile et la fait bientôt sortir de son auberge de jeunesse pour venir s'installer avec elle en colocation avec un autre ami.
Madison ne cherche pourtant à se lier avec personne, elle va à ses cours, se promène dans la ville, et se réchauffe occasionnellement au contact des autres à la cafétéria de l'auberge avec les étudiants étrangers ou de plus en plus souvent, avec les amis de la pétillante Fern, de qui elle se sent de plus en plus proche.
Le roman s'articule autour des trois premières saisons de son année à l'étranger, chacune avec un titre marquant le passage du temps et les changements de son état d'esprit : "Après la tourmente - Automne" ; "Ensevelis - Hiver" ; "La purge - Printemps". Chacun des chapitres est précédé/suivi d'un texte assez obscur et indéchiffrable (qu'il est préférable de commencer à lire après avoir lu un bon bout de l'histoire, les morceaux du puzzle se rassemblant alors), sorte de poème en prose onirique mettant en présence des personnages fictifs, les figures des cartes à jouer que l'héroïne inlassable joueuse de réussites et de patiences porte toujours sur elle, et les personnages "réels" de l'histoire en cours. Figures fantômatiques, les valets et les rois David, Alexandre, Lahire croisent dans un univers aux apparences fantastiques et hostiles les vrais compagnons de Madison (reconnaissables eux par leurs noms bien réels) et tous évoluent ensemble dans un espace-temps mystérieux inspiré de la topographie de la capitale écossaise. Monts volcaniques, gouffres et failles, châteaux construits sur des a-pics vertigineux composent un paysage chaotique, reflet des combats intérieurs et de la psychologie éclatée de l'héroïne, aux prises avec les existentielles souffrances humaines de son âge et au delà. Un roman à classer "young adult", pour la jeunesse mais pas que, qui décrit finement les étapes de la reconstruction après la douleur amoureuse (même virtuelle), et de la construction de soi même vers l'âge adulte, en passant par la recherche de l'identité sexuelle et la recherche de l'âme soeur, pourquoi pas du même sexe que soi.
Le propre de ce roman est de se passer à l'étranger, l'Écosse est décrite comme une terra incognita aux moeurs et coutumes différentes, où la bière des pubs, la gentillesse naturelle des habitants et les conditions climatiques extrêmes délient les langues et les esprits, et chassent les idées noires et où les lieux chargés d'histoire et de fantômes séculaires sont propices aux explorations les plus intimes.
Ce roman où les personnage ont tous la vingtaine, étudiants étrangers et autochtones confondus, à l'ombre de grandes universités, n'est pas pour autant un college book, pas plus qu'il ne prend la forme d'une auberge espagnole à la sauce Erasmus. C'est dans les marges de l'université que les rencontres entre les uns et les autres se font dans le roman, lors de rencontres dans les auberges de jeunesse, dans les pubs et les bars et les fêtes tenues dans les appartements en colocation, jusqu'aux pages finales qui voient les héros de cette histoire intimiste et festive s'ébattre joyeusement sur une plage de la mer du Nord dans une eau glacée à dix degrés, le printemps est arrivé en Ecosse et Madison et Fern (les filles du Nord) ont (re)trouvé confiance en elles.