La reine Margot, du mariage au massacre / Catherine Cuenca

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

La reine Margot, du mariage au massacre / Catherine Cuenca

OSKAR
(Suspense)
 Catherine Cuenca :
 10 jours pour changer le monde : La reine Margot, du mariage au massacre. 2019
 ISBN 979-10-214-0660-5 : 12,95 EUR
Intéressant - À partir de 10, 11 ans ans

Intéressant - À partir de 11 ans 



A l'instar des autres romans de la collection "10 jours pour changer le monde" des éditions Oskar, on trouve ici sous la plume de la prolifique et reconnue Catherine Cuenca un focus sur un événement précis de l'Histoire, ici pendant l'Époque moderne et les guerres de religion : le massacre de la Saint-Barthélémy le 24 août 1572, 9 jours avant que celui n'ait lieu. 
Entre le prologue, riche d'infos documentaires situant la période, et l'épilogue, se déroulent des chapitres qui vont de J - 9 au Jour J la date fatidique, retraçant les faits à rebours. On suit des personnages, historiques et inventés, qui tentent de changer le cours de l'Histoire, en déjouant un complot : ici, les catholiques voulant profiter du rassemblement des protestants au Louvre, dans une des nuits de réjouissances suivant les noces de Marguerite, pour les massacrer. Ici, ni la jeune Jeanon (15 ans), servante et confidente de la catholique reine Marguerite de Valois (19 ans), si proche d'elle qu'elle a la permission de l'appeler par son surnom Margot (au grand dam de sa soeur aînée Claude de France), ni le gentil Samuel de Bassac, valet d'un gentilhomme huguenot gascon, monté à la capitale avec un millier d'autres protestants pour assister au mariage royal le 18 août 1572 du protestant Henri, roi de Navarre (futur Henri IV) avec Marguerite, ne pourront arriver à déjouer le complot, source cette nuit de la Saint-Barthélémy restée tristement célèbre du massacre des 2000 protestants. Massacre décidé par le frère de Marguerite, Charles IX roi faible devant sa mère Catherine de Médicis, et ourdi par le terrible duc de Guise. Piégés dans Paris et l'enceinte du Louvre le millier d'huguenots composant la suite d'Henri de Navarre, plus un millier d'entre eux déjà installés à Paris, seront massacrés atrocement par les milices bourgeoises et l'armée. Le mariage arrangé de Margot et d'Henri, censé ramener la paix au royaume de France entre catholiques et protestants aux rapports de plus en plus tendus, a été perçu par les catholiques comme une provocation, et non pas considéré comme un appel à la paix.
Dans un épilogue bis, l'auteur a imaginé ce qui aurait pu se passer si, justement, les personnages avaient agi autrement. Le principe de cette collection est d'imaginer aussi une toute autre fin... Et s'il n'y avait pas eu de massacre de la Saint-Barthélémy ? Si la jolie Jeanon avait été moins méfiante (suivant le prêches vengeurs des prédicateurs catholique, affolant les populations) et osé parler à Samuel plus tôt, passant outre son appréhension et les préjugés de différence de religion et échangé des informations à faire passer d'urgence... Si Charles IX avait été plus lucide, si Margot avait été plus audacieuse, et Henri de Navarre moins confiant, persuadé que cette union, symbole de paix et de réconciliation, allait mettre fin aux guerres de religion qui durent depuis trop longtemps. Mais survint l'attentat contre l'Amiral de Coligny et l'horreur de tueries impitoyables à l'épée et en corps à corps, évoquées sans édulcoration par l'auteur. Bref, on apprend et on révise son Histoire de France, et ça c'est formidable.
Catherine Cuenca a choisi pour héroïne éponyme la Reine Margot, princesse qui s'est pliée à la décision royale, espérant sincèrement que ce sacrifice aura la portée souhaitée. On ne peut s'empêcher de revoir Isabelle Adjani en reine Margot et sa robe tachée de sang sur l'affiche du film de Patrice Chéreau, qui rendait tout le tragique du terrible événement de la Saint-Barthélémy. Ici, rien de si insupportable, et la sulfureuse Margot d'Adjani, incarnation de la perversité avec ses frères, n'est ici que l'héroïne d'un sinistre enchaînement, dont sa mémoire sort très honorée de ce petit roman qui ne prétend pas pour autant à l'ouvrage de recherche historique, ne dépassant pas certes des faits déjà archiconnus, à valeur presque de clichés, ceux pas si faux qui savent marquer l'esprit et donner le goût de l'Histoire.
Particulier à la collection, deux épilogues concluent l'ouvrage, nous retrouvons la reine Margot 22 ans après les faits, qui vivra isolée la fin de sa vie dans une tour en Auvergne, séparée de Navarre et bannie par son frère Henri III, vivant avec ses regrets. Un autre épilogue bis où tout est bien qui finit bien verra Jeanon et Samuel fonder une famille dans le Sud-Ouest, puis remonter à Paris à la suite d'Henri de Navarre devenu roi de France sous le nom d'Henri IV en 1594, et vivre heureux dans une France n'ayant pas connu ce tragique épisode.

Un roman historique où la tension est palpable à tout instant, avec de jeunes héros (fictifs), sympathiques et courageux qui évoluent dans l'entourage immédiat des vrais acteurs de l'Histoire, ajoutant une part de suspense au contexte historique. Le vocabulaire est assez riche et soutenu, avec des notes de bas de page pour expliquer la "fraise en dentelle", le "lit à courtines". On peut lire le mot "goguenard", les expressions "rue populeuse", "fenêtres à meneaux", et une description bien imagée (pas d'illustrations) des rues du Paris de la Renaissance, avec leurs noms évocateurs. Elle offre un portrait nuancé des protestants, à la fois gais et austères dans leurs habits noirs, et à charge contre les prédicateurs catholiques affolant les populations dans leurs églises, les menaçant des pires maux si ce mariage contre nature devait avoir lieu. Bien rendus, l'angoisse et les préjugés du peuple, qui voit en les multiples orages de ce sinistre mois d'août parisien l'annonce d'une apocalypse et provoqué l'affrontement, et des descriptions au plus près de la vérité qui font de ce petit roman historique bien construit, au ressort original, une intéressante leçon d'histoire.
 

 

La reine Margot, du mariage au massacre / Catherine Cuenca

Extraits : 
"Jeanne se remémore le bonheur de sa maîtresse, deux étés plus tôt. A 17 ans, Marguerite avait trouvé l'amour en la personne d'Henri de Guise, un beau jeune homme de son âge, champion d'une famille ambitieuse. Pendant un temps, les deux soupirants échangèrent lettres et menus cadeaux. Leur relation serait sans doute allée plus loin si, un jour, Catherine de Médicis n'avait surpris sa fille en train de glisser un message à son fringant soupirant. Marguerite ne voyait-elle pas qu'Henri la manipulait ? Qu'à travers elle, il ne cherchait qu'à se rapprocher du pouvoir ? De toute façon, son avenir était tracé : elle devait épouser l'héritier du trône de Navarre. Le coeur brisé, les illusions anéanties, la jeune femme était tombée gravement malade. Son frère, le roi Charles IX, dont elle avait toujours été proche, ne l'avait guère aidée à se rétablir. Il régnait sur la France, mais il était faible, nerveux, indécis ; au fond c'était Catherine de Médicis qui régentait tout (...) Margot : "En ce monde, les princesses n'ont pas vocation à espérer quoi que ce soit pour elles mêmes. J'ai appris cette leçon bien durement autrefois. En épousant Henri de Navarre, je réaliserai mon destin, qui est de servir les intérêts du royaume et du peuple de France" Jeanon : "Peutêtre votre promis se révélera-t-il un bon mari, pourrez-vous l'aimer et vous aimera t-il en retour ?". Avant son arrivée au Louvre, début juillet, les rumeurs concernant le jeune Béarnais allaient bon train : on le disait rustre, grossier, sentant l'ail et la sueur et parlant à peine français. Rien de tout cela n'était vrai : de taille modeste mais très robuste, doté d'un nez busqué et d'un regard vif, Henri, roi de Navarre, est un jeune homme cultivé et plein d'esprit. Bien que portant le deuil de sa mère décédée le mois précédent, il ne manque pas d'élégance. Tout le rapproche de sa promise... Sauf la religion."

La Reine Margot, vue dans un ouvrage de la Bibliothèque Forney (voir mon article OB ci-dessous)
La Reine Margot, vue dans un ouvrage de la Bibliothèque Forney (voir mon article OB ci-dessous)

La Reine Margot, vue dans un ouvrage de la Bibliothèque Forney (voir mon article OB ci-dessous)

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