C'est Noël, c'est cadeau ! / Hubert Ben Kemoun

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

C'est Noël, c'est cadeau ! / Hubert Ben Kemoun
GULF STREAM
(Premiers romans. 8+)
  Hubert Ben Kemoun ; ill. par Elisabeth Jammes :
  C’est Noël, c’est cadeau ! 2019
  ISBN 978-2-35488-710-0 : 6,80 EUR

Gaspard Azur, 7 ans  et demi, habite avec sa grande sœur Léonie, 14 ans, qui a déjà un chéri dont elle raffole des baisers, et sa maman Babette qui depuis son divorce n’a plus d’amoureux. Ce qu’il aimerait bien demander au Père Noël, Gaspard, c’est que sa maman retrouve enfin un amoureux. Cet imbécile de Paolo Galliegos a beau dire que le Père Noël n’existe pas, le barbu au bonnet rouge c’est son super héros à Gaspard, son champion du monde. Mais de là à réussir à trouver à sa maman un nouvel amoureux et l’expédier par la cheminée, jamais Gaspard n’osera demander ça au Père Noël. C’est que c’est une affaire sérieuse qu’écrire une lettre au Père Noël pour lui demander des cadeaux, il ne faut pas se tromper. Au début de ce petit roman rigolo, à offrir sans hésiter sous le sapin, Gaspard est en train de réviser. Non pas ses leçons, mais ses catalogues de Noël, ceux bien illustrés de jouets de toutes sortes, glissés par les chaines de magasin dans les boites à lettres, jetés par sa mère et que Gaspard va récupérer en douce dans la poubelle.  Sa lettre a fière allure, avec ses photos de jouets découpées soigneusement dans les catalogues, réparties harmonieusement sur la page. Le Père Noël ne pourra pas se tromper, et il aura le choix, car Gaspard n’a pas lésiné sur la quantité de découpages dans les catalogues, agrémentés d’un joli poème à sa façon. Pour faire bonne mesure, Gaspard a glissé dans l’enveloppe un petit carton qu’il vient de trouver posé sur le cendrier dans l’entrée, représentant le Père Noël dans un bolide rouge tiré par ses rennes. Cette image du plus bel effet devrait faire plaisir au Père Noël et l’inciter aux meilleures intentions envers Gaspard, d’autant que celui ci a été particulièrement sage ces derniers temps, couvert mis et lave-vaisselle vidé sans trop de disputes avec sa sœur… Maman a été contente de lui ! Bientôt elle ne le sera plus du tout, car la jolie image glissée dans la boîte avec sa lettre par Gaspard n’était autre qu’un ultra précieux ticket gagnant du « Gratissimo de Noël », carte à gratter valant la bagatelle de dix millions d’euros, que sa maman avait (très bien, vraiment) rangé sur un cendrier. Ticket qu’elle se met à chercher partout dans la maison frénétiquement, jusqu’à ce que Gaspard lui avoue qu’il l’a envoyé au Père Noël dans sa lettre … Jamais le petit garçon ne se sera fait autant  gronder par sa mère, qui se précipite dans la rue avec lui vers la boîte aux lettres dans laquelle l’enveloppe se trouve, bien décidée à la récupérer… Ni les pics à brochettes encollés de glu, ni la petite main de Gaspard glissés au plus profond de la boîte ne ramènent la précieuse enveloppe, rien à faire. Les voisins à la fenêtre s’alarment et bientôt un fourgon de police débarque, pour interroger Gaspard et sa mère dans leur appartement, faisant perdre un temps précieux à Babette Azur empêchée de récupérer l’enveloppe de la fortune. Le camion postal est passé, il ne reste plus à la maman hystérique que de bondir dans sa voiture en direction du tri postal, seule façon de rattraper son enveloppe avant qu’elle ne s’enfuie, par train ou par avion, en direction de Libourne, la ville où tous les courriers du Père Noël sont expédiés. Pendant ce temps, Gaspard se ronge un peu les sangs, puis se cale devant l’ordinateur pour entamer avec appétit un tas de gâteaux au chocolat, sans être surveillé par sa sœur plongée dans des échanges virtuels avec son amoureux. Et le café oublié sur la cafetière de répandre son odeur de brûlé… Arrivée au centre de tri postal après avoir tourné des heures dans la banlieue, la maman affolée n’est pas au bout de ses peines : il est strictement interdit dans tous les cas de récupérer un courrier une fois celui-ci parti… Mais comment va-t-elle faire ? 

Ce petit roman qui ne manque pas de suspense et de rythme est assez amusant, et brosse le portrait d’une famille pas si ordinaire où perce la fantaisie, transportée au bord de la crise de nerfs suite à un événement extraordinaire. Enfin, surtout la maman, qu’on peut comprendre, ce n’est pas tous les jours qu’on gagne au Loto, et que son gamin perd aussitôt le ticket miraculeux. Y aura t-il miracle ou pas ? Peut être bien que oui, et pas celui qu’on attendait. Mais la maman aura bien tiré le gros lot au final…

 

Noter dans les premières pages la présentation illustrée des héros de l’histoire, leurs portraits légendés de quelques lignes brossant leurs traits de caractères, et on peut y apercevoir les lunettes d’une certaine Marjorie Kuenzi – qui n’apparaitra qu’en fin de roman, stagiaire au service du courrier du Père Noël de la ville de Bilourne. Autrement dit Libourne, ma presque ville natale, je m’empresse de rectifier son nom, sous-préfecture de Gironde et LA ville où tous les courriers envoyés par les enfants au Père Noël arrivent comme chacun sait . Quoi que, j’en ai envoyé aussi à 40 passés des lettres au bonhomme rouge (adresse : père Noël, au ciel, dans les vignes de Libourne) pour le seul plaisir de la réponse obligée à venir ; las maintenant les réponses sont exclusivement électroniques, bye bye collectors version papier.

« Bilourne », pas le seul nom écorché exprès par l’auteur, qui essaime dans son livre jeux de mots et surnoms pour nommer des trucs super connus (Libourne, par exemple) et faire des clins d’œil à ses lecteurs, sûrement bien plus malins que moi qui ne les ai pas tous reconnus. « Justine Biberonne », célèbre chanteuse à hordes de fans amoureux, comprendre Justin Bieber, trop facile. La dernière console de chez « Syno », inverser les syllabes. Pour « Billy Jumpy, le roi des pirates », j’ai plus de mal, je sèche carrément. C’est qu’il ne faudrait pas prononcer de noms de marques dans ce petit livre, comme à la télé ? Nan, l’auteur s’amuse bien, et nous aussi. Mais « Bilourne », quand même, pas d’accord ! Comme de la situer « dans le Sud » ! Mais non, dans le sud-ouest, coquin de sort !

Beaucoup d’illustrations sympas, dessinées par Elisabeth Jammes, pour camper les situations comiques rencontrées par les héros, honneur à la maman aux nerfs mis à rude épreuve, échevelée entre les mains de la maréchaussée, prise la main de son fils dans le sac de la boîte aux lettres imprenable, en panique au volant de son pot de yaourt ou accablée sur son canapé, pensant à tout cet argent perdu… Tout est pourtant bien qui finit bien, et au passage les jeunes lecteurs auront pu se familiariser aux les subtilités de la concordance des temps, l’auteur n’employant pour emballer son « C’est Noël, c’est cadeau » que l’imparfait, le passé simple et parfois du subjonctif. Un choix grammatical plus ou moins heureux tout au long de ce court roman, pas si fréquent en tout cas dans la littérature jeunesse où le présent de narration règne en maître, et un style sans envolées de vocabulaire, qui n’évite pas les répétitions maladroites : « Elle recommença à hurler après son fils qui se remit à hurler » et la concordance un peu aléatoire : «… Léonie n’avait aucune envie de répondre à la dizaine de messages que sa mère lui laissa sur son portable ». Petites maladresses qui n’empêcheront certainement pas les enfants de goûter cette petite lecture sympathique, à laquelle il manque peut être une étincelle pour faire ressentir toute la magie de Noël, même en passant par Libourne, pardon Bilourne. 

 

Publié dans littérature jeunesse

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