Les faits et gestes de la famille Papillon. Tome 2, Les Prouesses de Mamie Rose / Florence Hinckel

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

Les faits et gestes de la famille Papillon. Tome 2, Les Prouesses de Mamie Rose / Florence Hinckel
CASTERMAN
  Florence Hinckel :
  Les Faits & gestes de la famille Papillon. Tome 2 : Les prouesses de mamie Rose. 2019
  ISBN 978-2-203-18110-6 : 15,90 EUR

Intéressant - A partir de 10 ans

Après les exploits de Grand-Papy Robert (tome 1) qui prenaient place dans les années quarante, voici les exploits de sa fille Mamie Rose (née vers 1950). C’est toujours la plus jeune de la famille, Eva, qui raconte l’histoire familiale, et narre les aventures extravagantes de la si spéciale famille Papillon, qui détient un puissant pouvoir. On a assisté lors du 1er tome à la magnifique fête organisée pour les   treize ans d’Eva, suivie de la révélation par ses parents et tous ses aïeux de son talent très particulier. Dans la famille, le plus jeune de la famille (Eva, donc) se voit alors doté le jour de ses treize ans (plus fort que la communion ou la barmitzva) de l’immense pouvoir de faire le bien sur la Terre, rien que ça, en provoquant sans le faire exprès des événements heureux voire décisifs pour l’histoire de l’humanité, tout ça sans rien en savoir ni décider de quoi que ce soit. Juste un enchaînement d’événements semblant dus au hasard, anodins "faits & gestes", résultant en fait du fameux “effet Papillon” - le nom de famille d’Eva ! Mais il semblerait que l’héritière Papillon puisse autant provoquer le bien que le mal, et envoyer par terre la biscotte côté face confiture plus souvent qu’à son tour. Dans la famille Papillon, l’arrière grand père d’Eva n’a pas de femme, sa grand-mère Mamie Rose n’a pas de mari, et elle a un père mais pas de mère. Dans le très extravagant 1er tome, on a pu voir Eva se faire enlever par une étrange famille, enfermée en haut d’une tour. Il s’agit de la famille Avalanche, dotée de la même puissance sur les faits du monde, mais dans le sens contraire exact de la famille Papillon. Un effet Avalanche qui pousse au crime et à la désolation qui ont rendu malgré lui le fameux Papy Robert responsable de bien des malheurs du monde, Shoah comprise. Bizarre, les membres de la famille Avalanche sont les symétriques exacts des Papillons, et semblent bien être les pièces manquantes de l’arbre généalogique d’Eva. Sa Mamie Rose a bien des révélations à faire à la jeune fille,  et la famille ne sachant pas trop quoi faire des pouvoirs sidérants d’Eva, capable de faire le bien OU le mal de l’humanité tout entière, ou plus simplement de provoquer des événements majeurs par les actes les plus anodins (chute, éternuement) a décidé de l’enfermer… Enlevée une nouvelle fois par la famille Avalanche au début du deuxième titre de cette réjouissante série, Eva va continuer son enquête sur les mystérieux pouvoirs des deux familles, et faire son petit effet Papillon… ou Avalanche, afin de connaître sa destinée, et surtout de garder son libre arbitre devant son encombrante prédestination. 

L'auteure en profite pour y intégrer de véritables faits historiques (grandes inventions, conflits, grands noms...) et il se pourrait bien que les familles ennemies héréditaires les Papillon et les Avalanche soient passées par là. Après avoir exploré des événements heureux ou tragiques dans le 1er tome (très centré sur la 2e guerre mondiale et le sort des juifs), ça continue sur un mode plus léger, par les événements de Mai 68, et aussi du Printemps arabe, censément provoqués par une des “prouesses” de Mamie Rose et consorts… 

Alternant les allers retours dans le passé, le roman, comme le premier, vaut surtout par son ton décalé et son humour, et son parti pris de revisiter les événements d’une décennie ou deux par le prisme d’un fantastique totalement invraisemblable mais rigolo. Et toujours le plaisir de retrouver le vrai plus de la série, la très bonne idée de Florence Hinckel d’intégrer la collection de photographies d’amateurs (trouvés en brocantes) de son ami Jean-Marie Donat. Telles les photos de Plonk et Replonk, l’insertion tout au long du roman d’authentiques photos en noir et blanc d’inconnus de tous âges, sexes et nationalités, posant devant l’appareil de manière comique ou très sérieuse (ce qui n’est pas le cas de l’histoire, on l’a compris), permet de rendre encore plus décalé et cocasse ce récit d’aventures qui tient à la fois de la farce, du conte moral et du roman historique très élastique. Ces portraits seraient selon les légendes ceux des membres des familles P. et A. sur des générations, à feuilleter comme un album souvenir, tous affublés de prénoms aussi improbables que les situations dans lesquels ils ont été éternisés devant l’appareil photo. Ce détournement d’images d’inconnus n’ayant évidemment rien à voir les uns avec les autres, vient illustrer de façon très drôle le récit, en en accentuant  le trait parodique et comique, façon de faire passer l’hénaurmité des vessies et des lanternes très abracadabrantesques de ces drôles de familles. Même si les ficelles sont un peu grosses dans le genre fantastique loufoque, on veut bien se laisser prendre et croire à tout ce que raconte ce farfelu roman jeunesse très vivant et plein de fantaisie, avec ses personnages attachants et ses ramifications multiples. D’autant que l’auteur nous fait réfléchir mine de rien à rien de moins que l'équilibre du bien et du mal dans le monde, faits historiques et références littéraires à l'appui, et aussi à l’exercice du libre arbitre et de la liberté d’agir, et ça si c’est pas faire de la philo en s’amusant…

Rappel ci-dessous de mon avis (plus critique et inspiré) pour le 1er tome. Les mêmes remarques restent valables, F. Hinckel prend les mêmes et recommence sa méthode gagnante, en passant juste à la génération suivante, ça va nous valoir une trilogie et nous amener au minimum à la fin du XXe siècle.  A conseiller aux amateurs de “Miss Peregrine et les enfants particuliers”. 

Plus court :

Dans le 2e tome de la réjouissante saga de Florence Hinckel, après les exploits de son grand-papy Robert autour des années 40, Eva, 13 ans, la plus jeune membre de la tribu Papillon, découvre les prouesses de sa Mamie Rose lors de la période plus légère des années 60. L'auteure revisite avec brio, humour et beaucoup d’inventivité quelques uns des événements majeurs du XXe siècle au travers des aventures passées et présentes de deux familles ennemies héréditaires inextricablement liées, aussi antagonistes que symétriques, les Papillon et les Avalanche. Eva a eu la révélation lors dans le 1er tome de son pouvoir très particulier, aussi puissant qu’involontaire : le don familial de provoquer les plus grands bienfaits, comme de déclencher l’avalanche des pires catastrophes par un enchainement bienheureux ou fatal d'une succession de faits et gestes anodins et de circonstances aléatoires. Que va faire Eva, héritière de ce talent si ambivalent ? Ambitieuse et très construite, au risque d'une certaine artificialité, la suite de Florence Hinckel compose une fresque historique enlevée et souvent émouvante qui interroge la notion de hasard, du libre arbitre et l'équilibre entre le bien et le mal. Selon le fameux « effet papillon », c'est bien l’enchainement fatal ou bienheureux des faits et gestes des deux familles, aussi innocents soient-ils, qui sont à l'origine de presque tous les hauts faits du siècle, grandes avancées de la civilisation moderne ou drames et guerres. Du Berlin nazi au Paris de Mai 68, jusqu'au Printemps arabe, les petites histoires des membres de ces deux familles très spéciales tissent la grande Histoire. La réussite de la saga doit beaucoup à ses illustrations, une collection d’anciennes authentiques photographies d’amateur détournées avec humour formant une savoureuse galerie d’ancêtres pour ces drôles de familles à l’extravagante influence.   

 

ou

 

La réjouissante saga de Florence Hinckel revisite avec inventivité quelques uns des événements majeurs du XXe siècle à travers les aventures de deux familles ennemies héréditaires inextricablement liées, antagonistes et symétriques, les Papillon et les Avalanche. Eva Papillon, 13 ans, s’est découverte dans le 1er tome héritière du pouvoir familial aussi puissant qu’involontaire de provoquer les plus grands des bienfaits, comme de celui déclencher une avalanche des pires catastrophes. Que va-t-elle faire de talent aussi effrayant qu’ambivalent ? Ambitieuse et très construite, au risque d'une certaine artificialité, la suite de Florence Hinckel compose une fresque historique enlevée et souvent émouvante qui interroge la notion de hasard, du libre arbitre et l'équilibre entre le bien et le mal. Selon le fameux « effet papillon », c'est bien l’enchainement fatal ou bienheureux des faits et gestes des deux familles, aussi innocents soient-ils, qui sont à l'origine de presque tous les hauts faits du siècle, grandes avancées de la civilisation moderne ou drames et guerres. Du Berlin nazi au Paris de Mai 68, jusqu'au Printemps arabe, les petites histoires des membres de ces deux familles très spéciales tissent la grande Histoire. La réussite de la saga doit beaucoup à ses illustrations, une collection d’anciennes authentiques photographies d’amateur détournées avec humour formant une savoureuse galerie d’ancêtres pour ces drôles de familles à l’extravagante influence.   

 

  

Tome 1 : Les aventures de Grand Papy Robert, Les Faits & gestes de la famille Papillon : Un épais roman de Florence Hinckel, aussi distrayant que foisonnant, narrant les aventures et les secrets de famille de la jeune Eva, 13 ans. Le jour de son anniversaire, l'adolescente apprend que sa famille détient de superpouvoirs, et qu'à chaque génération c'est à l'aîné des enfants, le jour de ses 13 ans, que la révélation est faite de la particularité de la tribu. Pour la famille Papillon, dont Eva se retrouve chargée de portée sur ses épaules toute la singularité, il s'agit rien de moins que du pouvoir (involontaire) de créer ou faire régner le bien dans le monde ! Tout ça par l'effet magique du bien connu "effet papillon", eh oui comme le nom de famille, qui d'un battement d'aile et d'une chose qui en entraîne une autre, est capable de provoquer des conséquences super positives pour le bien être de l'humanité. Comme l'invention du transistor ; Hum, super pouvoir et gros gros tiraillements de cheveux. Le roman s'avère être le premier tome d'une saga familiale et fantaisiste, au fantastique le lecteur est prié de croire. Peu à peu on se laisse prendre à ces aventures invraisemblables aux coïncidences formidables et aux effets imprévisibles, tout en se demandant quand même comment on peut avaler un truc pareil. Grands faits réels prétendument provoqués, dans ce tome ci, par l'arrière-grand-père de l'héroïne, les exploits du fameux grand-père Robert. Symétriques exactement aux exactions involontaires de sa contemporaine Albertine Avalanche, amour de jeunesse contrarié de Robert, elle aussi détentrice à son époque de super pouvoirs, mais ceux-ci maléfiques.  Ce qui est malheureux (pour la profession), c'est que c'est une malheureuse bibliothécaire, judicieusement nommée Madame Feuillette, professeur documentaliste du collège d'Eva, qui seule dans cette histoire invraisemblable fera les frais des dramatiques conséquences engendrées par les circonstances, pour parler clairement transpercée d'une flèche lancée au bout de tout un tas d'enchaînements successifs, concoctés pour que le hasard frappe. Effets dominos dévastateurs où rien n'est dû au hasard, comme dans ces vidéos où des suites de dominos bien rangés à la suite s'écrasent les uns sur les autres inéluctablement, à la suite d'une première impulsion. Ici le ludique cotoie le tragique, et l'auteur n'a pas pu ne pas penser à l'hypnotique vidéo des plasticiens suisses Fischli et Weiss, leur fameux "Lauf der Dinge" ou "Cours des choses", à voir pour comprendre les effets matériels du battement d'aile du papillon (mais chez eux tout est bricolé, voulu, pensé). Alors que chez les familles Bien et Mal, rien n'arrive consciemment. Enfin, si on veut bien les croire. RIP Mme Feuillette, bien inspirée d’avoir dégoté pour la curieuse Eva dans ses archives “L”Histoire des pouvoirs familiaux de l’Antiquité à nos jours”, vieux grimoire renfermant toutes les réponses ou presque aux questions que se pose l'héritière héroïne (si seulement ses ennemis lui laissaient le temps de le lire !). La clé du roman peut se lire dans le prologue de cet ouvrage tant recherché, on vous la livre : "L'histoire des pouvoirs familiaux est peu connue. Elle est volontiers gardée secrète par les premiers concernés, et encore plus volontiers mise en doute par les autres, lorsqu'ils en prennent connaissance. On enseigne aux membres des familles à pouvoir particulier, de génération en génération, que leur pouvoir est d'autant plus grand s'ils n'en font pas la publicité; C'est pourquoi on ne trouvera jamais aucun d'eux dans aucun manuel d'histoire. Et pourtant... eux aussi font l'Histoire à leur façon, laissant à d'autres la gloire, la reconnaissance, l'argent ou le pouvoir. "Agir dans l'ombre, et malgré soi" est leur devise. On ne choisit pas son pouvoir, et on le maîtrise encore moins. Naître dans une telle famille peut être une grande bénédiction, ou au contraire une grande malédiction. Car il existe deux catégories de familles à pouvoir : celles qui agissent pour le bien, et celles qui agissent pour le mal. On compte exactement le même nombre de familles dans une catégorie que dans l'autre. Pour chaque pouvoir bénéfique, on trouve le pouvoir maléfique contraire. C'est ce qui assure l'équilibre du monde. Si une famille s'éteignait, et une seule, nul ne sait vers quoi nous basculerions..." Vérités dangereuses, offertes à l'héroïne par la bibliothécaire, pauvre Madame Feuillette qui va de ce fait (encore un enchaînement malheureux) se retrouver en très mauvaise posture (après de nombreuses péripéties). Personnage secondaire mais essentiel à la compréhension (accrochez-vous) de l'histoire, Feuillette devenue elle même la victime contemporaine des pouvoirs néfastes mis en oeuvre par la famille Avalanche, à l'instar des victimes historiques (entre autres, porteurs d'étoiles jaunes en des temps dramatiques) de la terrifiante Albertine, gare à l'aïeule meurtrière malgré elle (mais pas toujours), à cause de laquelle quelques vies furent sacrifiées à cause du funeste pouvoir de la tribu (les Avalanche, ne pas se tromper). Dans sa postface de l'auteur fait mention des faits historiques brossés tout au long de de l'ouvrage, qui aurait donc une fonction instructive et pédagogique, au delà de la distraction apportée par la fantaisie de la fiction. Ces aventures et événements aussi extraordinaires qu'accidentels ne seraient rien d'autres que des faits réels et avérés, renseignés et réinventés par l'auteur. L’assassinat de Gandhi ; la chasse aux sorcières communistes à l’origine de l’exil de Charlie Chaplin ; jusqu’à la disparition d’Irène Némirovsky, empêchée d’écrire la suite de sa “Suite française”, tout ça c’est de la faute d’Albertine, coupable de l’arrestation de l’écrivaine juive (I. N.), ayant renseigné innocemment l’adresse de cette dernière à la police allemande venue l’arrêter, quelle gaffeuse cette Albertine. Qui aura aussi fait s’écrouler un immeuble abritant un laboratoire de photo, simplement en trébuchant dans un tas d’affaires, chute responsable de fissures dans les murs, aidés par des colonies de fourmis, etc etc. Certains de ces faits (tous ?) ont une dimension historique, les pires d'entre eux, fléaux, meurtres et disparitions étant bien sûr les plus frappants que les effets bénéfiques pour l'humanité provoqués involontairement par Grand-papy Robert. Goering irrité au plus haut point à la sortie du restaurant Maxim’s, tombé sur une étoile jaune décousue dans le caniveau, étoile elle même auparavant détachée involontairement du manteau d’un photographe juif par la jeune Albertine, toujours fautive sans le vouloir, puis atterrée par les conséquences de ses actes. On ne sait pas trop sur quel pied danser, c'est à la fois marrant et enlevé et sacrément culotté, réexpliquer les avanies de l'Histoire comme ses brios par les super pouvoirs de deux familles. Encore mieux que les super héros de Marvel ! Mais pour expliquer les contretemps de l'Histoire, et ses petits bonheurs aussi, avait-t-on besoin de tant d'inventions tourneboulées et alambiquées ? L’essentiel des catastrophe provoquées par Albertine dans les années 40 a été infligée aux victimes de la Shoah. Bien sûr, certaines d’entre elles seront réparées par le grand père Robert, rétablissant l’équilibre. Tout le roman surfe ainsi sur l’équilibre et la symétrie des choses, et peut se lire à plusieurs niveaux. Une narration marrante, une héroïne de son époque (Eva, 13 ans), à laquelle le lecteur peut s’identifier (un peu seulement). Mais ses pouvoirs, pardon. Enfin, elle n’a encore rien fait, ou presque (à part tuer un moineau et feue la bibliothécaire, le tout sans faire exprès, car manipulée par les Avalanche). Elle a forte affaire, enfermée dans un cachot, à chercher puis découvrir les exploits de membres de la famille Papillon et son antagoniste Avalanche. Les pages la concernant directement ayant été arrachées, on est priés de lire le tome 2 devant paraître prochainement. Ne sais pas trop quoi penser de ce roman extrêmement construit, dans lequel les faits et les personnages se répondent. Car évidemment impossible de ne pas remarquer que s’il y a un arriere grand père, une grand mère, un père dans une famille, il y a une arrière grand mère, un grand père, et une mère dans l’autre, comme des couples inconnus qui s’attendent ou s’épient. Un roman d’aventures familiales, placé sous le sceau des secrets de famille, qui veut jouer dans la cour “des grands”, des romans qui brassent la grande Histoire par le biais des petites historiettes invraisemblables. Est ce une bonne façon de faire découvrir Irène Némirovsky aux jeunes lecteurs ? Et les injustices faites aux victimes juives étoilées de jaunes, et le drame de la Shoah ? Pourquoi pas, ça marche, sans le pathos attaché aux romans sur ce thème. Comme un jeu de piste dont les pions seraient des victimes de l’Histoire, ou des héros sans nom, oubliés. Le roman lorgne nettement aussi vers une dimension philosophique, un peu trop appuyée néanmoins, l’auteur enfilant des sabots un peu gros (me fait penser au “Monde de Sophie” d’il y a quelques années), pour expliquer le combat du bien et du mal. Les actions mauvaises sont-elles dues au hasard ? L’homme a t-il son libre arbitre ? Peut être le roman de Florence Hinckel sera t-il au programme du bac de philo dans quelques années… Plus réussie, et indéniablement marque de fabrique et marque de l’originalité du roman, l’utilisation et l’emploi de la photographie dans le livre constitue une savoureuse partie de plaisir. “Une aventure loufoque illustrée avec des photos authentiques”, lit-on en quatrième de couverture. En effet, les personnages du roman sont tous représentés sous les traits de figures hautement fantaisistes, portraiturés sur des photos d’un autre âge, noirs et blancs ou en couleurs, encadrés d’un bord blanc dentelé très vintage. Le procédé rappelle celui d’un autre duo de plasticiens contemporains, les duettistes Plonk et Replonk (mais ils sont suisses aussi !) qui trafiquent et détournent d’anciennes cartes postales avec humour pour leur faire dire tout autre chose. A l’exemple d’un des personnages de son roman (qui retrouve dans les décombres de l’immeuble (la faute à Albertine, tout se tient !), Florence Hinckel, pourrait bien être une collectionneuse compulsive de vieilles photographies authentiques d’inconnus, glanées dans les brocantes ou trouvées sur le net, à qui on peut inventer des histoires. Des photos d’autrefois, sûrement mélangées à des photomontages contemporains créés pour coller à l’action, revisitées et légendées par l’auteur qui nous présente là une galerie très réjouissante de trognes déguisées, immortalisés dans des situations improbables. Voilà aussi une piste pour ce roman décidément foisonnant roman, que cette intéressante réflexion sous-jacente sur le statut des personnages, et celui de l’image, mise en oeuvre également par l’auteur dans son livre. Mais voilà, à trop multiplier les personnages et à obliger le lecteur à accepter les invraisemblances historiques sous couvert de second degré pas dupe, les gags visuels venant atténuer l’effet dramatique des révélations historiques (la Shoah c’est pas vraiment rigolo), le pavé perd de l’impact recherché. Qu’est on en train de lire ? Un cocktail haut en couleurs, à  à l’imagination débordante, qui mène son lecteur sur de nombreuses pistes, et fait le pari d’une relecture fantastique de la grande histoire, par l’élaboration de tout un système de pensée à la fois familial et philosophique ? Au delà de la petite grande famille de l’héroïne, et ses ennemis héréditaires, peut on penser que nos “faits & gestes”, toutes nos actions sont conditionnées ou pas, et est-ce le hasard ou la volonté qui font l’histoire ? Vaste débat, mené dans un roman d’action à la couverture jaune citron, et aux couleurs franchement rigolotes, à la fois plus vives et nuancées que la simple dichotomie du bien et du mal sous-tendant l’ensemble. Faut il crier à l’exploit et au coup de maître littéraire devant cet édifice habilement construit, qui épuise un peu son lecteur mais reste distrayant tout du long ? Cependant, trop de redites, un style un peu relâché, et trop d’invraisemblances nuisent au propos de cet ambitieux roman, l’éparpillant dans trop de directions. Un petit coup de barre pour redresser ce paquebot de croisière et tout son équipage serait le bienvenu pour les aventures de Mamie Rose promises dans le second tome, elles se profilent à l'horizon et devraient être de la même mouture, les chiens ne font pas des chats.

Publié dans littérature jeunesse

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