Mosquée de Paris

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Mosquée de Paris (album photo)

Février 2012, il gèle. Me suis rendue dans la foulée de l’expo "Dégagements" à l’IMA, par le bus 83 d’à côté (86 ?) et la rue Geoffroy Saint Hilaire, dans le froid glacé, à la Mosquée de Paris. Où je n’avais jamais mis les pieds réellement, n’en connaissant que le salon de thé, passant par le petit patio carrelé de bleu, tout près de ma vieille fac Censier, Sorbonne Nouvelle Paris III. Tout de suite après la mosquée, irai me réchauffer dans la BU de Censier, où je passai il y a des années un partiel, ou un examen rondement mené, sur le Paysan parvenu de Marivaux, ou la Vie de Marianne, des bonheurs de lecture. N’y lirais ce vendredi chômé et gelé que de belles revues d’art sur papier glacé, à l’affût des nouvelles expositions, hélas à la même table de travail que deux étudiants, un garçon black et une fille, en train de massacrer laborieusement un devoir d’anglais, et ne sachant pas grand-chose voire rien de rien, fautes grossières que je ne peux m’empêcher de relever, deviens-je une atroce mémé  pré-quinqua aîgrie ? Parlent fort, rigolent, difficile de me concentrer sur mes pages zartistiques, soulagée quand ils partent, le garçon lâchant : « J’avais pas travaillé comme ça depuis longtemps ! »

La Mosquée, donc. Ne la trouve pas tout d’abord, rien d’écrit au comptoir des pâtisseries orientales,

près du hammam, un serveur me dit de faire le tour du pâté de maison pour trouver l’entrée. Des murs blancs et hauts, percés de grandes portes voutées en bois brun, sculptées. On se croirait au Maroc, des baies cernées de vert. J’arrive devant l’Institut musulman, la porte est ouverte, des hommes montent les marches, je franchis le porte à leur suite. Dès l’entrée on voit le jardin intérieur, ce pour quoi je suis venue. Avec l’idée d’une visite guidée, à 15 h dit Pariscope. Mais le vendredi, no way, pas de visite du tout. Le bâtiment est-il fermé ? Non, lieu de culte, plein de fidèles (dit-on ça ?), à la mise modeste. Vont et viennent dans les allées, sous les arcades. Je n’ai d’yeux que pour le jardin, rêvé, vu en photos, et surtout visité, à plus grande échelle et authenticité historique, à Grenade et Séville, Espagne.148.jpg

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Pas fait de voyages en Orient, hormis une incursion ratée au Maroc, à Tanger, lors d’une croisière pas Costa mais pas naufragée, sur un bateau appelé Van Gogh. Après une fantasia au folklore douteux, réjouissance plus touristique que populaire laissant un goût de temps perdu et un peu de mal d’oreille dû à la détonation de la poudre des fusils des cavaliers dressés sur leurs étriers, stoppant leurs montures dans un nuage de poussière. Notre car climatisé avait fini par quitter la ville moderne et déshéritée, pour nous laisser visiter la Médina, sous bonne garde guidée, dont une mosquée ravissante carrelée de mosaïques, perchée sur une placette aux murs blancs, avec vues plongeantes sur le bleu de la mer et les paquebots qui attendent le retour de leur clientèle.

 Rue Geoffroy-Saint-Hilaire, pas de Méditerranée à chercher tout autour, mais la Seine n’est pas loin, et sous certains angles l’illusion est parfaite, dans ce mini Alhambra qu’est ce petit jardin aux allées bordées de cyprès, joyau enchâssé au cœur d’une construction habillée de fines colonnes, aux ornementations délicates pendant comme du givre, aux murs ornés de carreaux aux motifs entrelacés, nombreuses  vasques de pierre (ou de marbre ?) plantées d’orangers aux fruits défendus attirants. Les fontaines sont prises par le gel, l’eau est de glace, pâte de verre gris clair débordante et figée. Presque personne dehors, juste des tapis en corde roulés ou étendus sur les parvis, on imagine les fidèles en prière. Des salles de prière qui bordent les allées,  en haut de volées de marches, sortent ou entrent des hommes et des femmes, leurs chaussures restées sous le porche.

 

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Là-bas pas de livres de prières à la main des visiteurs, plutôt des Guides verts renseignant sur  l’admirable art mujedar, remodelé par les rois chrétiens pour leurs palais. Souvenirs des merveilles architecturales  trop vite passées sous nos yeux  lors de nos voyages andalous : Cour des Lions (Patio de los leones)  aux fauves archaïques à Grenade ; Jardines del partal…

Quartier Censier-Daubenton, je prends mes photos, évitant de pointer l’objectif vers les gens. Je finis par remarquer une jeune femme, foulard sur la tête et vêtue à l’occidentale qui me suit, l’air menaçant. Me fait des « non » de la main ; je l’ignore, continue ma déambulation. Je suis ailleurs, m’assieds sur des marches en contrebas, je regarde à droite l’étoile et le croissant qui se détachent sur le ciel parisien tout bleu, les tours, les murailles, le minaret. Je passe lentement, deux fois de suite, dans les petites allées, n’en oubliant aucune. Me vide de mon stress en marchant à travers et autour de cette espèce de cloître, regarde la végétation tordue par le gel. J’adore ce palais religieux, construction du Paris des années 30, imitée des artistes arabes, qui avaient réussi, dans ces vestiges fabuleux que sont les alhambras andalous, à concilier somptuosité et sens de l’intimité, loin du gigantisme. Ici aussi rien d’immense, mais déjà un bout de continent différent, bien loin des façades haussmanniennes qui nous cernent .

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 Quand je repasse sous un porche, vers une cour arborée, plus bas, moins entretenue, la fille me guette toujours et me jette un « Il y a des visites aujourd’hui ? ». Oui oui bredouille-je en filant et en rentrant mon appareil dans ma poche. Il est temps de filer de l’éden musulman, je vais remonter vers Censier, dommage, j’aurais bien pris un thé à la menthe et grignoté une corne de gazelle au soleil, mais pas le courage d’entrer toute seule dans la salle aux plateaux de cuivre. Je reviendrai un jour faire la visite commentée de la moquée et de ses salle. Mais il doit faire près de zéro, et malgré la lumière, je choisis d’aller dans la bibliothèque de l’université de ma jeunesse, c’était hier.   

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