Fest'arts à Libourne, vive la 27e édition du festival des arts de la rue !

Publié le par L'Aquoiboniste atrabilaire

Le meilleur spectacle vu à Festarts cette édition : la boucherie sanzot de Typhus Bronx "La petite histoire qui va te faire flipper ta race, tellement qu'elle fait peur". Gore, sang, larmes et rires rires devant la frénésie et le talent vibrionnant de Typhus qui a mis le bronx (lu dans Sud-Ouest, bravo) dans la cour du Conservatoire.) Inspiré du Conte du Genévrier, recueilli par les frères Grimm

Fredandco  "Le chant des coquelicots"

Fredandco "Le chant des coquelicots"

Fredandco - "Le chant des coquelicots"

C'était parfait, on avait trouvé le spot idéal pour profiter du spectacle, sur fond de confluent de l'Isle et de la Dordogne : la petite table d'angle à gauche, sur la terrasse du Bistrot maritime, blockhaus noir (et transparent) nouvellement ouvert sur les quais, à la confluence exacte des deux rivières, à l'ombre des rares grands platanes centenaires épargnés par les travaux. Les coquelicots rouges sont du meilleur effet, éclairés par derrière par le soleil couchant, un bateau de croisière fluviale occupe le terrain, les mouettes volent, le hamburger et la salade vegan font leur office. Alors pourquoi ça ne décolle pas ? Deux musiciens s'installent et vont jouer pendant un set d'une vingtaine de minutes, sur un podium derrière les fleurs rouges, qui s'allument et s'éteignent selon la musique. A peine audible, très contemporaine, celle-ci laisse de marbre les béotiens attablés que nous sommes. Un violoncelle et un instrument d'Afrique ou d'Asie (est-ce une koré ? plus apprécié au Scrabble...). C'est déjà fini, les musiciens s'en vont. Reste le site enchanteur et la composition florale incroyable. C'est ça qui est beau, le rouge des pavots contre le vert du Tertre, l'eau impétueuse de la rivière et le ciel bleu canicule, qui s'apaise enfin. Le set de jazz nous aurait peut être plus séduit. L'idée des coquelicots géants vaut à elle seule le déplacement, devraient les laisser là tout le temps.

Cie Nanoua  "Confession d'une femme hachée"

Cie Nanoua "Confession d'une femme hachée"

Cie Nanoua - "Confession d'une femme hachée"

La veille j'ai sommeillé tout l'après-midi, bonne à rien, accablée de chaleur et du mal être diffus qui ne me quitte plus (imbécile profite donc de ton carpe diem, quand tu auras le Parkinson de ta mère ou l'Alzheimer d'encore personne heureusement, tu pourras te plaindre), et ai laissé filer les spectacles du premier jour de Festarts, jeudi 2 août. Ce vendredi, je laisse Didi se reposer, prenant même soin de fermer porte et fenêtres pour qu'il fasse bien la sieste - et me laisse profiter de sillonner Festarts à ma guise. Me sens en forme, vent de liberté, j'enfourche ma vieille bécane si vintage aujourd'hui avec ses sacoches orange/vert écossais que j'ai peur qu'on me la pique. On verra à Paris, à Libourne il n'y a pas de voleurs, si ? En filant vers les quais où il doit bien se passer quelque chose, allons-y voir par les rues désertes de la bastide interdite aux voitures pendant la durée du Festival (gé-nial), je vois un attroupement devant le Conservatoire. Je n'ai pas de ticket, ah bon il en fallait un, on me laisse rentrer, la chaleur caniculaire rend les gens indulgents, voire galants (Michel Galland, grand moustachu affable et maire adjoint préposé à la culture, me conseillera de me mettre à l'ombre). Je me glisse devant sur les côtés, me suis mise en short, le même pour trois jours, on ne sait jamais comment on va être assis, pas besoin de montrer ma culotte à laquelle personne ne s'intéresse. Regardons un peu autour de moi : la cour du conservatoire de musique, vieilles pierres salpêtreuses, un hôtel particulier dans son jus comme on dit aujourd'hui. Des affiches sur les murs du hall par lequel nous sommes entrés indiquent des cours de hautbois, des petites annonces. On ne penserait jamais être dans un endroit d'enseignement, c'est presque vétuste, rien de moderne critique-je, moi qui n'ai connu que le préfabriqué amianté du collège Château-Gaillard à Libourne, aujourd'hui détruit, et les batiments en carreaux roses années soixante du Lycée d'État mixte, aujourd'hui Max Linder. Les vieilles pierres du bâtiment et son préau m'abritent du soleil, le gros du public souffre sous les rayons implacables de 14 h 30, des paréos sont étendus sur les têtes et les épaules, plus protecteurs que les casquettes. Je suis du bon côté, presque au frais, et ne déplore que la dureté du sol sous mes fesses, mais je peux étendre mes jambes, je suis dans la place, il est temps de m'intéresser à ce qui va se passer. Ouf, suis-je obligée de m'étendre (en plus des jambes) si longtemps pour planter le décor ? Sans doute, car dans quelques années il n'y aura plus que ça, ces moments de vie oubliée, qui m'intéresseront. Le décor, il est sur la photo que je prends, ça ressemble à une boucherie, des objets de commerce, vintage, façon boucherie-charcuterie à l'ancienne, miam ç'est rigolo on va se régaler.

Un dame en noir s'approche, la comédienne auteur de la pièce. Sous son imperméable noir, elle doit crever de chaud, tout le monde doit penser ça en même temps que moi. Elle sort d'un enterrement, celui de sa grand-mère, elle est partie avant les autres, pour se glisser en douce dans la boutique familiale "fermée pour obsèques". Devant les petites fenêtres aux carreaux rouge et blanc pas très propres. On croirait l'univers des grand-parents, ou les Deschiens, je connais ce genre de lieux qui n'ont pas changé en des décades, devenus vintage aujourd'hui (mince 2 fois que j'emploi ce mot), tout simplement vieillots et sales, mais là c'est pour rire. Enfin pas trop, on rigole, mais derrière le théâtre de rue grand-guignolesque (couteaux et saucisses) le propos est résolument féministe. L'histoire est à la fois invraisemblable et banale, celle de la fille d'une famille de bouchers de père en fils, 4 garçons, dont un qui s'est tiré parce qu'il ne supportait pas l'odeur du sang, la mère qui ne parle pas et laisse faire, et le père qui a toute autorité pour faire de sa fille l'esclave de la famille. Reléguée et arrimée à la caisse enregistreuse pendant toute l'année scolaire, à peine le temps de faire ses devoirs, et pendant les vacances aussi au turbin, à entendre jouer les copains dehors sans pouvoir les rejoindre. Les filles au travail, pas besoin de faire d'études, les filles comme denrée négligeable, pas besoin de s'en occuper, au boulot pour ne pas être une bouche inutile. Et à marier avec l'assistant boucher abruti, le souhait de son père, elle ne va pas pouvoir y couper. Même si elle aussi elle aime la viande et s'y connait, la nuit filant en douce dans la chambre froide pour faire la fête aux meilleurs morceaux, le père ne comprenant rien à toute cette viande qui disparait, avec toutes les lames imaginables, la feuille etc. Les parents et les frères sont symbolisés et montrés par des lames plus ou moins grandes, plantés avec force dans le billot pour ponctuer ses paroles, et maniés par la comédienne avec de grands gestes, contente de ne pas être devant, un accident de hachoir est vite arrivé.

Une famille des années 60 certainement, d'avant mai 68 ou après, dans une petite ville cancanière imaginaire, de celles qu'il faut fuir, comme la caissière finira par le faire à la fin de son discours. Préférée de sa grand-mère qui vient de mourir, la vieille fille sait ce qu'elle vient chercher à la boucherie, avant que la famille ne revienne : une lettre que l'aïeule lui a laissé, un héritage ? Sur la feuille cachée sous le billot, accrochée à une esse sur l'étal (enfin compris le mot "esse" du Scrabble : les crochets en forme de S, reproduits chez Ikéa !), la grand-mère aimante a écrit... la recette des tomates farcies ! En dévidant son chapelet de saucisses de griefs contre la vie rétrécie que lui ont fait l'autoritarisme et le machisme de ses père et frères, la caissière frustrée va réaliser devant nous une vraie tomate farcie, sans cuisson, à grands coups de tomate éclatée, jus rouge figurant le sang des bêtes, et de pétrissage et hachage de viande, avec les lames aiguisées de ce "thétre d'objets tranchants". Tomate farcie symbole de la libération de la femme (quel est le jeu de mots qui rend indubitable l'association ? oublié...), qui va rendre son tablier à la fin du spectacle, partant pour des jours meilleurs. Pas de coup de surin (un mot de la boucherie ?) à déplorer, le spectacle n'est pas sanglant ni tragique (façon grand-guignol comme on l'aime, et comme sera celui de Typhus Bronx vu le soir même dans la même maison), la vieille fille ne tue personne et ne plante pas de couteau dans le dos de son père. La métaphore de la violence ordinaire faite aux femmes (on ne peut s'empêcher de penser aux femmes des pays du Sud, Turquie, Yemen, Inde... battues violées pas respectées) passe par celle des couteaux toujours en train de virevolter, la viande est malmenée comme la personnalité de la fille malheureuse, mais pas de crime de sang contre le sien propre, ni de spectateur pris à partie et réduit en chair à saucisse avec du faux sang (c'est dommage ?)

Règlement de comptes chez les Louchebem, par le verbe, comme une psychanalyse allumée. De l'humour oui, on rit, mais le propos social et féministe, quoique outrancier, prime. Ce spectacle "de rue" se joue aussi en salle, "et si vous avez une boucherie ça marche aussi", précise la comédienne à la fin, donnant à qui veut dans le public la grosse tomate - pas cuite, sinon par la canicule - réalisée sur scène, ainsi que la viande à profusion, achetée du jour. Les bêtes de cirque de la compagnie ... (devant le Temple) distribueront eux aussi pastèques et salade, les fauves n'étaient pas carnivores. Spectacle bien applaudi et plaisant, moins gore que pressenti, plus du théâtre à texte qu'un spectacle de rue, mais gare aux couteaux, la comédienne est une fine lame. Vegans s'abstenir.

Haatik  "Lau eme"
Haatik  "Lau eme"

Haatik "Lau eme"

Haatik - "Lau eme"

La Cie du Petit monsieur  "En dérangement"
La Cie du Petit monsieur  "En dérangement"
La Cie du Petit monsieur  "En dérangement"

La Cie du Petit monsieur "En dérangement"

La Cie du Petit monsieur - "En dérangement"

Pris ces photos pour montrer à ma vieille copine H. Bourget sa maison en toile de fond des acrobaties drôlatiques du petit monsieur à Libourne, rue du Psdt Carnot, dite "de Mazarin" car le prélat y passa la nuit sur la route du mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne

Les Royales marionnettes  "La porte du diable"
Les Royales marionnettes  "La porte du diable"

Les Royales marionnettes "La porte du diable"

Les Royales marionnettes - "La porte du diable"

Mystérieuses coiffures  "La légende de l'homme oiseau"
Mystérieuses coiffures  "La légende de l'homme oiseau"
Mystérieuses coiffures  "La légende de l'homme oiseau"
Mystérieuses coiffures  "La légende de l'homme oiseau"
Mystérieuses coiffures  "La légende de l'homme oiseau"

Mystérieuses coiffures "La légende de l'homme oiseau"

Mystérieuses coiffures - "La légende de l'homme oiseau"

Sur la place Abel Surchamp devant la mairie. Attirée par la musique de l'air (duo) des oiseaux (pas des clochettes ?) du "Lakmé" de Léo Delibes, samplée sur de l'électro, un régal. Va bien avec cette montée des fleurs sur un oeuf nu au départ. N'en voit que les dix dernières minutes à peine, me glisse sur mon coussin devant les saltimbanques. On les dirait sortis de l'Homme qui rit de Hugo, avec leurs beauté maigre, leurs faces noircies. La comédienne hypnotique qui serpente devant les enfants et les adultes du public avant de les inviter d'un doigt muet à monter sur la scène a les cheveux graisseux et du maquillage figurant la poussière sur les jambes. Elle doit symboliser la déesse terre, je n'ai rien suivi. En la voyant je pense au camping de Libourne, aux conditions d'hébergement des troupes qui ne doivent pas toutes être logées au Mercure ou au Grand Barrailh. Moments de grâce suspendue pour les petits et grands qui sont invités à glisser leur tête sous la "plus grande perruque du monde", et rester face public, sur l'air de "Lakmé", et se faire attacher un ruban rose au poignet. Pourquoi n'ai-je pas été choisie ?

Cie Avis de tempête  "Comme un vertige"
Cie Avis de tempête  "Comme un vertige"
Cie Avis de tempête  "Comme un vertige"

Cie Avis de tempête "Comme un vertige"

Cie Avis de tempête - "Comme un vertige"

représentation payante (2 EUR) dans la cour de l'École du Centre. S'appelle-t-elle encore comme ça, notre école de filles, où j'ai passé mon CM2 sous la férule de Mlle Camors, morte comme un chat (chat-mort) écrasée dans sa rue en sortant de sa maison de ville de l'avenue Galliéni, souvenir de son ongle crochu rentrant dans nos mentons quand elle voulait nous signifier quelque chose. A part ce souvenir ému et éminemment personnel, et le plaisir d'un pèlerinage dans un lointain passé où je portais une blouse de nylon et jouais à la balle, "partie six, de six en six" contre le mur devant lequel les acrobates s'ébattent, pas grand chose à dire du spectacle, que nous quittons après une petite demi-heure de spectacle.

Mal assise sur la murette, alors que derrière nous dans le Jardin du Poilu (en mémoire d'un inconnu soldat de la Guerre de 14, aucun cas d'hirsutisme à déplorer) des plus malins que nous regardent confortablement le spectacle bien assis sur les bancs du parc, derrière la grille de l'école (pas grave, tout se passe en hauteur). 

Camilo Clown "Camilo pompier"
Camilo Clown "Camilo pompier"
Camilo Clown "Camilo pompier"

Camilo Clown "Camilo pompier"

Dans le off :

Camilo Clown "Camilo pompier"

Beaucoup ri à voir ce clown italien sans paroles transformer en pompiers 5 gaillards du public (le mari n'avait pas besoin de s'en faire, avait passé l'âge. Et moi aussi, ne risquais pas d'être choisie pour faire la jolie (et jeune) ingénue qui appelait Au feu la maison brûle. Ce fut Nina, vraie baba et pas complice, qui s'en sortit très bien. C'est comme ça qu'on aime Fest'arts, simple et sans chichis, efficace, on rigole.

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