Côté Palais-Royal : cinéma, jardin et librairie

Publié le par L'Aquaboniste atrabilaire, ou Princesse Rabiola

Bullhead
Séance de cinéma rue de Valois, jolie salle de bois Antoine Vitez, pour aujourd'hui "Bullhead", un film belge, flamand, formidable, magistral, justement multiprimé. Comment devenir une bête humaine, et excusable. En flamand, "Rundkopf" = Tête de boeuf, certes titre "français" ou international moins "sévèrement burné, mais plus proche du sujet. J'y reviens, ou plutôt créée des liens vers de bons articles. Le film, dur, viril, mafieux, vous bouleverse les hormones. Me fait penser que dans les Sopranos, les mafieux laissaient leurs enfants hors du coup, et ne leur apprenaient pas le métier, plutôt inscrits dans les meilleurs établissements privés, le fils et la fille de Tony Soprano. Mais c'était le chef de bande, tirant les ficelles. Là les héros ce sont les sous fifres, ceux qui font le sale boulot pour les vrais criminels, pour faire un peu d'argent sale et facile, pour faire comme leurs pères. Belle éducation, les résultats sont dopés à l'accablement et à la fatalité, Jacky et Diederick en savent quelque chose. Excellent.
 
Détour par le Jardin du Palais-Royal, le vent envoie les embruns du grand jet d'eau, les fauteuils en métal sont vides ou presque, sans soleil et entre les averses le jardin est pratiquement à moi seule et à quelques dizaines de passants, désolés comme moi de ne pouvoir s'attarder sur les bancs sous les arbres taillés au carré, devant les façades de pierre de taille aux ouvertures classiques et régulières, d'où jadis Cocteau et Colette admiraient ces mêmes frondaisons. 
    .Photo-0386 Photo-0387    Photo-0389 photos prises en mars, époque des bulbes, il faisait beau...
Tout de même, profiter un peu de mes endroits préférés, et déserts, tant mieux : ces petits jardins clos enfermés au milieu des pelouses et des massifs, disposant eux aussi de leurs fleurs et verdures, aujourd'hui marguerites violettes. Un pied ramassé changera bientôt d'arrondissement pour essayer de pousser dans mon jardinet (trois brins mal en point : pas de vandalisme botanique, bien trop heureuse de cette nature parisienne artistiquement domestiquée et mise en scène), mais ne peux m'empêcher parfois de ramener petites feuilles ou fleurettes, de mes doigts terreux, ongles noirs à camoufler, de mes pérégrinations dans les squares, parcs et forêts. Quand elles veulent bien pousser ou germer, quelques arrondissements plus loin de leur lieu de collecte, celles-ci me sont plus chères que les bosquets verts nés de nos équipées chez Truffaut...
 Bouffée de lucidité, suis bel et bien en train de parler de fleurs et de balades et de cinéma, bref du tout loisirs et du tout moi, alors que le mois de mai, présentement même pas joli, mais bien inexorablement 5e mois de l'année et avant-dernier de l'année scolaire, apporte son lot de fiches de voeux à remplir, de choix cruciaux de lycées, d'orientations scolaires pas du tout secondaires pour l'avenir de mon ado, qui finalement ne fume tant de bédos que ça... Malgré mes résolutions réïtérées et chaque fois sincèrement réfléchies, je préfère encore et toujours à ces nobles tâches de mère digne celle ci (tache sans circonflêxe) : (m)'écrire ici-même, ce soir encore et jusqu'à des 2 heures du matin, du genre qui arrivent en l'espace de quelques secondes (pourquoi cette accélération du temps sur Internet ?). "How much time ?", combien de temps vais-je tenir ce rythme, il faut que je pense un peu à ma petite santé, et horreur malheur Charlot vient de m'intimer l'arrivée matitunale à 10 h au plus tard, il ne me restera donc à peine plus de six heures de sommeil pour récupérer le peu d'énergie nécessaire à aller perdre mon temps à le gagner, en passant par le métro, les escaliers, les salutations, les ouvertures de session et leur ctrl-alt-suppr au bout du compte...
A chacun de mes couchers, hors vacances salvatrices ou chambres d'hôtel façon  A room of one's own, Une chambre à soi, ce sont toujours les mêmes écroulements dans le lit éparpillé de fringues, sans allumer la lumière, déjà que le bruit de clé m'attire suffisemment de foudres, ni même me démaquiller ni me brosser les dents, et sans éteindre les ondes néfastes du wifi dans la chambre de fifille, je pars au radar m'effondrer au pieu, les yeux explosés de lumière blanche de l'écran ci devant, tout ça pour écouter les microfluctuations de ma petite âme, me plaindre de mon peu d'envergure et toujours constater cette espèce de mollesse qui me cloue à mon canapé et me scotche à mon lit même pas douillet. Plains-toi,va...
    Moi je ne "balzaque" pas, malheureusement, d'ailleurs je devrais reprendre un peu de café, mais cette après-midi je suis restée un petit quart d'heure à reprendre le cours de l'African darling de Russell Banks, héroïne américaine et romanesque mais dont les combats pour l'Afrique, si fictifs soient-t-ils, ne m'épargnent pas la conscience du manque de hauteur de mes petites valeurs autocentrées... Que d'aventures à venir, le roman démarre très fort et la plongée dans sa lecture illico me sortirait, sinon de ma torpeur passive, du moins m'apporterait pour un temps un peu de conscience ethnique, sociale, même s'il ne s'agit là que de faire un peu plus attention aux personnnes  virtuelles d'une histoire imaginée par un auteur. Alors que les vraies personnes qui m'entourent (car moi je n'entoure personne, bien murée dans ma tour plutôt...), elles m'attendent toujours.
 Quelques gouttes de pluie ont raison de mes efforts de lecture, pourtant bien intéressée par ce retour au Libéria (ou Niger) de l'héroïne du roman, 59 ans, à la recherche de son passé, de ses enfants, et visiblement pas au bout de ses peines, sociales, politiques, libertaires, je n'en suis qu'à la page 40. Et ça parle de singes comme chez le grand Will Self.
Mais par les rues adjacentes, le passage Montpensier, la rue Monsigny, les Petits-Champs à côté, me saute soudain aux yeux la librairie d'occasion Book off, dans le quartier du Quatre-Septembre, Paris 2e et resurgit cette idée de littérature qui ne m'a jamais quitté vraiment, même si tellement moins virulente qu'auparavant, non merci au début de vieillesse et aux renoncements induits, voire d'impuissance intellectuelle - précocité en tout, même en sénilité... 
Je rentre immédiatement dans cet endroit délicieux qu'est pour moi une librairie d'occasion, celle-ci inconnue de moi (pourtant là depuis 2007, me dira la vendeuse) et rejoignant vite mon panthéon personnel des classiques Mona Lisait, Gibert jeune, avec la foire aux livres annuelle de la rue Davy, les kermesses paroissiales, qui toutes me fournissent les livres de remplacement aux emprunts définitifs de mes fils, l'un intéressé par ma littérature de théâtre, impossible de trouver du Molière chez moi désormais, heureusement y'a Gallica, et l'autre par tout ouvrage de culture générale : où sont passés mes manuels d'histoire de 3e ou de 2de, pieusement gardés ou trouvés par sacs entiers sur le trottoir devant un lycée, me pose la question une fois dans la boutique de savoir si ces petits salauds ne m'ont pas pris mon "Histoire des idées littéraires" d'Henri Bénac , à racheter ou non ? A 5 EUR tout de même, hésite et renonce, pfff c'est malin. De ma faute, si je ne les avais pas donné le goût de la littérature, eux qui ont en plus la chance de jouer avec eux oralement, et l'art de la conversation, ça n'arriverait pas ces trous dans mes bibliothèques. Mais ce qui est à moi est à vous, dit la mère pélican. Me suis donc trouvé récemment une bonne raison pour ces achats boulimiques (des fois c'est les savons, d'autres les chaussures ou les sacs, mais les livres, c'est génétique, atavique, et en plus bien vu, montrable, et pas du tout cambriolable... hors reliures plein cuir de manuscrits ou d'incunables, même pas désirés). Alors que vingt minutes plus tard je ressortirai de ce Book off, à mettre dans mes signets mémoriaux, munie de plein de poches et autres folios et même de "grands formats", tous à 1 EUR, des quantités industrielles sur les étagères, classées s'il vous plaît par nom alphabétique d'auteur et zut je ne remarquerai le 1er étage et l'annexe sur le trottoir d'en face qu'une fois sortie du magasin, alourdie de 12 nouveaux livres pour 12 EUR. Vêxant, le type de romans anglais ou US, aux couvertures aux titres argentées, visuels un peu kitsch, Grisham et cie, 1 EUR aussi, alors bye bye les regrets d'en avoir laissé une palanquée sur un caddie de l'aéroport de Palma de Majorque, tout ça ne valait pas grand chose.
 
Liste suit, catalogue peu normé (normal, je me démotive) :
- Chateaubriand : Mémoires d'outre tombe III (leçons de style et d'histoire de France)
- Marie de France : Lais (conseillés par ma charmante professeur de lettres bordelaise Anne-Marie Cadot en des temps universitaires)  
- Paula Jacques : Gilda Stambouli souffre et se plaint (comme moi, mais ça doit sentir le jasmin et les épices et le talent) 
- François Salvaing : Misayre, misayre ! (pour me rappeler les Fleurs bleues de Queneau)
- Michel Chaillou : La vie privée du désert - et non la veuve privée de dessert ! (la suite des aventures de jeunesse de mon poitevin préféré)
- Lucia Etxebarria : Amour, Prozac et autres curiosités (dont les héroînes almodovariennes devraient séduire mon ado bédo, mais alors là je risque fort de jouer les Irina Ionesco avec sa Little princess, Louis va m'envoyer les services sociaux...)
- Pierrette Fleutiaux : Allons-nous être heureux ? (grande question)
- J.M. Coetzee : Scènes de la vie d'un jeune garçon (l'auteur de Disgrâce, ce chef d'oeuvre - et rapport générique au film vu quelques heures plus tôt, encore en mémoire)
- Charles Muller : Mes rencontres avec Victor Hugo (always)
- Chris Donner : Petit Joseph (en souvenir des extraordinaires noyaux de cerise dans son matelas du 1er livre lu de lui, férocement drôle et implacable)
- David Servan-Schreiber : Guérir : le stress, l'anxiété et la dépression sans médicaments... (pauvre garçon de mon âge, qui lui n'a pas guéri de son cancer)
- François Bayrou : Projet d'espoir (autre cause perdue, en ce lendemain d'élection présidentielle, mais le 4e homme est aussi un béarnais, lettré et bègue, un rien mystique, amoureux de la nature, et pour qui j'ai voté au 1er tour...)
 
Photo-0369et last but not least : sur un banc à la station Jaurès, un 10/18 Grands détectives, Gladys Mitchell : Meurtres au clair de lune, de quoi occuper Mum sur la plage.
 
Velléïtés de lecture, sans doute pour certains ne viendra jamais, mais je ferais mieux de m'y mettre, ça me redonnerait un peu de style et m'empêcherait la compulsion informatique, mais pour l'instant l'urgence est de leur trouver une place, déjà que la poche plastique débordante oubliée dans l'entréen'a pas échappé au mari, le même qui m'avait autodafait les best-sellers britanno-majorquains, mais qui nous envahit de DVD franchouillards jamais vus ou revus, et bien plus chers...
A remarquer, je cherchais dans l'ordre alphabétique mes Banks, Boyle, Oates et Roth préférés, mais point d'iceux, et même pas à 5 EUR : ça veut juste dire qu'il faut que j'y retourne... Par contre, pourrais y compléter ma collection de Jean-Paul Dubois...
Un oeil et une oreille sur l'émission littéraire "Le Cercle" de Frédéric Beigbeder sur Canal +, j'ai glâné les compliments sur le roman de Dominique A(né)
, et entendu les critiques du dernier Marc Dugain et son histoire de géant serial killer de novembre 1963, époque JFK, ayant dézingué grand-parents et mère "la tête décapitée servant de cible aux fléchettes, on ne voit pas ça tous les jours" plaisanteront finement Beig et Arnaud Viviant. N'aura pas les honneurs des critiques, son style affadisant, un mal français, ne valant pas un James Ellroy dont on sort exangue, alors que rien du tout devant le pâlichon Dugain, disent-ils tous en choeur. Pareil pour un François Weyerganz dont j'avais adoré le Franz et François mais qui semble ne rien avoir écrit de construit depuis, le roi de la digression plaisamment inutile, "une ardoise magique qui s'efface au fur et à mesure", d'ailleurs ses "Trois jours chez ma mère" y sont restés, à Libourne. Mention spéciale pour les interventions de Raphaël Sorin de Libération, et surtout d'une jolie brune aux yeux ridés, des Inrockuptibles, aussi pertinente en critique littéraire qu'Élisabeth Quin" (tiens, j'ai oublié d'acheter pour cette faramineuse somme d'1 EUR son "Tu n'es pas la fille de ta mère", feuilleté sur un coin du coffee bar de la librairie du BHV il y a déjà longtemps... et aussi le caustique Neuhoff toujours lâcheur de bons mots, "sans liberté de blâmer il n'est pas d'éloge flatteur" peut-on lire au fronton de son journal.
Figaro ci-Figaro là, n.d.l.c. un "figaro" pour moi à l'âge de 8 ans c'était le nom générique de l'espèce de chapeau plié dans le papier journal du même nom que se confectionnait mon lecteur agrégé de papa, sous le soleil de Châtelaillon, je lisais Fantômette et le Club des Cinq et je ferai bien de m'y remettre, parce qu'à 3 h du mat les neurones vont foutre le camp par paquets entiers, retourner fissa à Book off chercher des Bibliothèque rose, c'est plus sûr. Et Neuhoff et les autres n'ont pas intérêt à critiquer.   Jardin du Luxembourg, une lectrice endormie s'est confectionné un
 
                             
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Publié dans dans la littérature

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